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Si la gratitude est louée par toutes les spiritualités, elle demeure un sentiment complexe et n'est pas facile à éprouver. Robert Emmons démontre qu'elle rencontre de nombreux obstacles liés à notre égoïsme.

Etrange sentiment que la gratitude ! Spontanée, elle surgit inopinément à l'égard d'un ami ou de la vie qui nous comble. La gratitude, c'est l'élan du coeur qui nous relie à l'autre. Elle procède d'une prise de conscience de l'interaction qui existe entre nous-même et les autres. Pourtant, ce Sentiment est complexe. « La gratitude oblige à être modeste et à reconnaître les limites de notre indépendance. »1 Elle nécessite de faire preuve d'humilité.

L’étude conduite par le psychologue Robert Emmons prouve que le sentiment de gratitude procède directement de notre relation au bonheur. Plus nous reconnaissons cette interaction avec autrui, plus le sentiment de bonheur, et l'optimisme s'installent dans notre vie. Si certains auraient une propension plus développée à la reconnaître et à l'accueillir que d'autres, Robert Emmons pense que nous pouvons enclencher dans notre vie ce nouveau regard, pour peu qu'on le souhaite véritablement. Il s'agit d'apprendre à se voir « d'un autre œil, en saisissant (son) interdépendance »2.

Une jeune femme raconte que, étant en profonde dépression, elle se sentait dans l'incapacité d'éprouver de la gratitude et se coupait de ses proches. « J’ai alors demandé, dit-elle, à quelques amis et à ma famille de me visualiser heureuse, pleine de joie. Cette requête a produit un véritable afflux d'amour et de paroles réconfortantes, revigorantes, qui m'ont émerveillée. (...) J'éprouve un sentiment de paix et d'espoir – un premier pas vers la lumière de la joie – et leur suis infiniment reconnaissante de m'avoir servi de miroir, reflétant non pas mon côté sombre, le seul que j'arrivais à voir, mais la lumière que j'avais perdue de vue. »3

Si notre propre souffrance ou difficulté peut créer un filtre à la reconnaissance et à l'expression de la gratitude, il est possible à chacun d'entre nous de la cultiver. Robert Emmons nous donne quelques pistes. Il propose d’écrire un journal de gratitude, d'utiliser des rappels visuels, d'installer la prière, de s'engager auprès de nos proches, de surveiller nos pensées.

L'auteur nous invite à envisager la gratitude au-delà de l'élan spontané, liée à des circonstances extérieures mais comme « une attitude choisie envers la vie »4. La développer rend heureux parce qu'elle permet d'envisager la vie au travers du prisme de l'interdépendance des uns avec les autres. Automatiquement, la gratitude nous permet de rompre avec le sentiment de solitude, elle relie. Et si la gratitude était, comme le dit Albert Schweitzer, « le secret de la vie »5 ?



A lire dans le numéro de Valeurs humaines n°50, décembre 2014, p. 26.
Valeurs humaines est le mensuel des associations Soka du bouddhisme de Nichiren. Abonnement / Achat au numéro

  • 1. Merci ! R. Emmons, Belfond, 2008, p. 37.
  • 2. Ibid., p. 177.
  • 3. Ibid., p. 219.
  • 4. Ibid., p. 236.
  • 5. Reverence for life, trad. R. H. Fuller, New York, Harper and Row, 1969. Albert Schweitzer (1875-1965) fut un médecin, théologien, musicien organiste, philosophe et prix Nobel de la paix en 1952.