Le respect est indispensable à la vie collective. Autrefois, les relations entre les individus étaient parfaitement codifiées. Aujourd’hui, il n’en va plus de même. Respecter l’autre, se respecter, se faire respecter, qu’est-ce qui entre en jeu, finalement, dans le respect ?
Le mot respect est dérivé du latin respicere qui signifie « regarder derrière soi ». Ce temps d’arrêt permet d’estimer la valeur et l’intérêt de ce que nous voyons, en d’autres termes de reconnaître et d’identifier ce qui compte pour nous. Notons que, comme nous sommes imprégnés de l’héritage social et culturel dans lequel nous avons baigné, il est rare de trouver deux personnes qui aient la même notion du respect, ce qui engendre incompréhension, mépris, agressivité, bref tous les types de difficultés relationnelles que nous connaissons.
Qu’est-ce que le respect ?
Il comporte deux facettes différentes : l’une a trait au comportement ; l’autre, au ressenti, au sentiment de respect
Le respect - comportement
Il s’agit ici de se conformer aux règles imposées par la vie collective et la société. Je dois respecter l’heure, le silence, les autres, les lois, etc. Par exemple: la loi impose une limitation de vitesse sur les routes. Je l’ignore sous prétexte que, moi, je sais conduire !...
Ou bien je vais la respecter, sereinement, car je reconnais l’intérêt de la mesure, par passivité, soumission, par peur d’être sanctionné, ou encore en rongeant mon frein, la rage au ventre, car mon petit ego ne veut pas être contraint.
Ou encore, il arrive que nous nous conformions aux règles de politesse de façon mécanique. Et, si la situation demande que nous nous impliquions davantage, nous le faisons de mauvaise grâce, car cela nous demande un effort. Il est important alors de prendre conscience qu’il s’agit de formalisme et que, en réalité, nous ne sommes en aucune façon respectueux de l’autre. Soumission, peur, rage, nous sommes dans l’apparence du respect
En conclusion, notre façon de vivre ces contraintes en dit long sur la façon de réagir du petit ego, souvent rétif à la discipline et à l’autodiscipline, même si nous essayons de le convaincre.
Le respect - sentiment
Il fait intervenir une facette plus intime, plus profonde de notre personnalité. Appliqué à une personne, il peut prendre diverses formes, comme l’estime, voire l’admiration : nous sommes impressionnés par quelque chose qui sort de l’ordinaire, qui est aux limites, voire qui va plus loin que ce que nous nous sentons capable de réaliser. Il peut s’agir, par exemple, d’un comportement ou d’un trait de caractère, qui fait écho à certaines de nos valeurs. Ainsi dans le cas d’un hold-up particulièrement audacieux, nous pouvons respecter la hardiesse, le courage ou l’inventivité de son auteur, sans adhérer pour autant au fait lui-même.
C’est ainsi que le sentiment de respect nous éclaire sur nos valeurs profondes.
La force constructive du respect
Le philosophe Emmanuel Kant a fait du respect la valeur morale absolue, un devoir. Pour nous, bouddhistes, il s’agit d’une démarche libre, consciente, pour découvrir toujours plus l’étendue de la dignité de l’être humain et du caractère sacré de la vie, avec toutes les conséquences qui en découlent.
Nous nous libérons ainsi progressivement de nos comportements égocentriques, automatiques et réactifs qui nous coupent de la réalité. Respecter, c’est connaître, reconnaître, comprendre, soi-même et aussi l’autre: s’éveiller au respect, c’est apprivoiser le petit ego, élargir ses limites.
Respect mutuel : le ferment de la paix sociale
Pas facile du tout de respecter tout être humain en tant qu’“entité de vie”, comme l’enseigne le bouddhisme. Il faut du courage lorsque nous sommes face à quelqu’un qui nous est antipathique, qui n’a pas les mêmes opinions, les mêmes valeurs ou qui nous a blessé(e), car le petit ego s’estime en droit d’exprimer son hostilité, voire son mépris. Il s’agit alors de prendre sur nous-même et de garder l’esprit de dialogue, sans humilier ni blesser, tout en continuant à respecter ses propres valeurs. Si nous y arrivons, nous sommes aussi dans le respect de nous-même.
Respect de soi: le moyen de développer ses potentialités
En approfondissant la notion de respect, nous devenons plus lucides, nous apprécions davantage ce que nous vivons. Nous apprenons également à déceler nos besoins fondamentaux, nos aspirations profondes, et à en tenir compte. Ainsi, dans une société qui valorise la performance, nous avons tendance à toujours vouloir en faire plus, voire trop. En nous respectant nous-même, défier ses limites ne se fera plus au détriment de notre vie... Quant à se faire respecter, cela commence d’abord par se respecter soi-même, connaître ses limites, et reconnaître la valeur de l’autre. C’est cette attitude qui ouvrira le chemin du respect des autres.
Respect et compassion : le duo infaillible
Le respect est une porte ouverte sur une compréhension beaucoup plus large de la vie. Mais, comme nous l’avons vu, seul, il peut aboutir à un formalisme froid. Une fois nos valeurs posées, nous risquons parfois de tomber dans le jugement de nos manques, de nos faiblesses, si nous ne nous sentons pas capable de les appliquer dans notre vie. C’est alors que la compassion apporte un regard bienveillant, encourageant, attentif à notre progression, à notre développement. De la même façon, s’intéresser aux qualités de l’autre, ne pas se focaliser sur les défauts, est un des volets de notre révolution humaine. C’est le point de départ d’une démarche dynamique, qui évolue et s’approfondit
C’est la raison pour laquelle Daisaku Ikeda lie la bienveillance au respect : « Nos deux objectifs : générer respect et compassion à l’intérieur de notre mouvement, puis contribuer à la création d’un monde heureux en étendant ce respect et cette compassion au-delà des limites de notre groupe. »1 À partir de là, nous pouvons chérir notre vie et celle des autres.
Sans expérimenter cette notion de respect, sans définir nos valeurs à respecter, nous sommes en quelque sorte en errance ou dans le formalisme. Pour conclure, le respect permet de mettre ses actes en cohérence avec ses valeurs.
Il faut du courage lorsque nous sommes face à quelqu’un qui nous est antipathique, qui n’a pas les mêmes opinions, les mêmes valeurs ou qui nous a blessé(e), car le petit ego s’estime en droit d’exprimer son hostilité, voire son mépris. Il s’agit alors de prendre sur nous-même et de garder l’esprit de dialogue...
A lire dans le numéro de Valeurs humaines n°11-septembre 2011.
Valeurs humaines est le mensuel des associations Soka du bouddhisme de Nichiren.
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- 1. ↑ Daisaku Ikeda et Yasushi Inoué, Culture et Spiritualité, Lettres des quatre saisons, Ed. Le Rocher, p. 137.