Ubuntu est un concept qui regroupe les notions d'humanité, de solidarité et d'interdépendance. Issu des langues d'Afrique australe, ce mot difficilement traduisible désigne une éthique de vie portée par la conscience du rapport étroit entre l'individu et la communauté.
L'esprit d'ubuntu a des racines profondes dans les traditions des peuples de langues bantoues, où il se transmet de génération en génération en tant que philosophie directrice pour la vie en communauté. Il incarne un ensemble de valeurs mettant en avant l'interdépendance des êtres humains et l'importance de la compassion et du respect mutuel. Sa philosophie peut se résumer par le proverbe : « Je suis parce que nous sommes. »
Le rôle d'ubuntu en Afrique du Sud
Historiquement, le mot ubuntu résonne en tant que philosophie humaniste associée à Nelson Mandela (1918-2013) et à l'archevêque Desmond Tutu (1931-2021), dans leur lutte contre l'apartheid.
L'apartheid était un système de ségrégation raciale et de discrimination qui marginalisait les Sud-Africains non blancs, entre 1948 et 1994. Après cette période d'oppression, pour répondre au profond besoin de guérison et d'apaisement de la nation, l'archevêque Desmond Tutu s'est appuyé sur la philosophie d'ubuntu pour mener une Commission de vérité et de réconciliation. Mettant au jour les violations des droits humains à travers le pays, son objectif était de fournir plate-forme permettant aux victimes et aux auteurs d'abus de partager leurs histoires et de promouvoir la réconciliation.
Il définit ubuntu en ces termes :
Quelqu'un d'ubuntu est ouvert et disponible pour les autres, dévoué aux autres, ne se sent pas menacé parce que les autres sont capables, car il possède sa propre estime de soi — qui vient de la connaissance qu'il a d'appartenir à quelque chose de plus grand.1
Desmond Tutu
En mettant l'accent sur notre humanité partagée, ubuntu promeut ainsi la réconciliation et le pardon. Il encourage la résolution des différends par le dialogue et la recherche d'une justice réparatrice plutôt que de représailles, afin de construire des communautés fortes et solidaires.
Retrouver le sens du commun
Aujourd'hui encore, l'idéal d'ubuntu continue d'inspirer les efforts de paix et d'unité à travers le monde.
Le spécialiste de littérature kenyane, le Pr James Ogude, estime qu'ubuntu pourrait servir de contrepoids à l'individualisme omniprésent dans le monde contemporain : « Ubuntu est enraciné dans ce que j'appelle une forme relationnelle de personnalité, déclare-t'il, ce qui signifie essentiellement que vous êtes ce que vous êtes grâce aux autres. En d'autres termes, en tant qu'être humain, vous – votre humanité, votre personnalité – êtes nourri et soutenu par votre rapport aux autres. »2
En pratique, ubuntu nous encourage donc à considérer que les liens humains au sein d'un groupe sont plus importants que les désaccords et les divisions au sein de celui-ci. « Les gens débattront, les gens ne seront pas d'accord, poursuit James Ogude. Ce n'est pas comme s'il n'y avait pas de tensions. Mais il s'agit de se rassembler et de construire un consensus autour de ce qui affecte la communauté. Et une fois que vous avez débattu et que vous comprenez ce qui est le mieux pour la communauté, vous devez ensuite y adhérer. »3
Un parallèle avec la vision bouddhique
Parce qu'il souligne l'importance des liens d'interdépendance entre tous les êtres humains, ubuntu est très proche de l'idéal de coexistence que l'on trouve au coeur de l'humanisme bouddhique. Ainsi, Daisaku Ikeda écrit :
Nichiren [appelle] à l'établissement d'une vision globale profondément empreinte de la conscience de l'interdépendance qui relie toute chose. J'aimerais citer ici un passage clé : « Si vous vous inquiétez de votre sécurité personnelle, ne devriez-vous pas tout d'abord prier pour l'ordre et la tranquillité aux quatre coins du pays ? » C'est ainsi qu'il exprime l'idée que nous ne pouvons pas connaître bonheur et sécurité isolément — en jouir tandis que d'autres souffrent parce qu'ils en sont privés. De même, nous ne pouvons pas vivre à l'écart des malheurs et des menaces qui affectent les autres.
Daisaku Ikeda, Sécurité humaine et durabilité : un respect partagé à l'égard de la dignité de la vie, Proposition pour la paix 2012.
L'origine du mot
Le concept d'ubuntu est commun aux cultures bantoues d'Afrique australe, où il est connu par différents termes :
- Munhu (chez les Shona du Zimbabwe),
- Umuntu (chez les Ndebele du Zimbabwe et les Zoulous/Xhosa d'Afrique du Sud),
- Muthu (chez les Tswana du Botswana),
- Omundu (chez les Herero de Namibie)
...pour ne citer que quelques-uns des groupements tribaux bantous. Philosophiquement, ce terme souligne l'importance du groupe ou de la communauté et trouve son expression claire dans la phrase Ndébélé : umuntu ngumuntu ngabantu, qui signifie littéralement : « Une personne est une personne à travers d'autres personnes. »