Le bouddhisme enseigne que le bonheur est le but de la vie. Ce n’est cependant pas chose aisée. Au milieu des difficultés et des turbulences du quotidien, nous pouvons parfois goûter au bonheur. Puis quelque chose arrive, les choses changent et avec les changements s’évanouit notre bonheur… Comment créer un bonheur plus profond, plus durable, qui ne dépende pas des circonstances ?
Le voeu et la promesse solennelle du Bouddha fut de conduire tous les êtres humains à un tel bonheur. Dans le Sûtra du Lotus, il déclare :
À tout moment je m'interroge : “Comment puis-je permettre aux êtres vivants d'accéder à la voie inégalée et d'acquérir rapidement le corps d'un bouddha ?ˮ
SdL-XVI, 221.
Grâce à la pratique bouddhique, il est possible de créer les causes fondamentales qui conduisent à un bonheur authentique et durable. Il ne s’agit pas seulement d’une interminable quête du bonheur mais bel et bien d’une réalisation concrète, tel que nous sommes et là où nous sommes.
Mais avant tout, il est nécessaire de définir ce qu’on entend par bonheur, de telle sorte que nous sachions exactement ce que nous cherchons.
Ce que le bonheur n'est pas
La conception dominante du bonheur qui prévaut en Occident désigne, outre la richesse financière, la célébrité, le succès, la jeunesse et la beauté comme composants principaux. N’est-il pas vrai que les jeunes, riches, célèbres et beaux sont les plus heureux ?
Psychologues et chercheurs commencent tout juste à porter leur attention sur ce sujet. Leur conclusion est que le bonheur n’est peut-être pas tel que la plupart l’imagine. Étonnamment, leurs recherches démontrent que les différences que nous pensons significatives, comme la richesse, l’âge, le genre, la santé, l’origine ethnique, l’éducation, l’emploi ou la situation géographique, n’ont finalement qu’un impact mineur sur la véritable satisfaction dans la vie. Aussi étrange que cela puisse paraître, toutes ces circonstances n’ont presque rien à voir avec le bonheur.
Il est également communément admis que nous serions bien plus heureux si nous avions moins de difficultés, ou, une fois résolu le problème qui nous “gâche la vieˮ. Pourtant, force est de constater que cela n’arrive jamais comme cela. Le problème d’aujourd’hui est remplacé par de nouveaux problèmes, dans une succession sans fin. Il nous semble que nous avons à peine le temps de respirer que déjà de nouveaux défis viennent à notre rencontre. Cette façon de penser conduit à l’équation : problèmes égalent malheur.
Trouver le bonheur au milieu des difficultés
Alors, est-il possible de construire une vie sans aucun problème, ne serait-ce que pour un temps ? Le bouddhisme répond que non. Le bonheur durable n’est certainement pas l’absence de difficultés. Nichiren Daishonin écrit :
Ne vous laissez jamais troubler par les épreuves de la vie. En définitive, personne ne peut éviter les problèmes, pas même les saints ou les sages.
Nichiren, Le bonheur en ce monde, L&T-I, 179.
Comprendre que l’existence est synonyme de difficultés est une expérience libératrice en ce qu’elle nous permet d’appréhender les problèmes et les souffrances comme des composantes naturelles de toute vie et non comme des preuves de nos faiblesses.
Le bouddhisme trouve le bonheur au coeur des difficultés de la vie plutôt que dans l’absence de problèmes. Mais il nous faut une méthode concrète pour le réaliser. Nichiren a enseigné, sur la base du Sûtra du Lotus, une pratique qui permet la construction d’un bonheur durable et indestructible.
Bonheur relatif et bonheur absolu
Selon Nichiren, il existe deux sortes de bonheur : “relatif” (temporaire) et “absolu” (durable). Le bonheur relatif est la sensation de satisfaction, de gratification et d’élévation que l’on expérimente suite à l’assouvissement de nos désirs. Mais cette sorte de bonheur subit l’usure du temps. Ni la fortune, ni le statut, ni la célébrité, ni la beauté ne peuvent nous garantir une vie heureuse. La raison en est que toutes ces choses dépendent des circonstances et du temps. Ceux qui construisent leur bonheur sur les sables mouvants du bonheur relatif finiront donc par être confrontés, tôt ou tard, à l’insatisfaction et au désarroi.
Le bouddhisme enseigne qu'il existe un état de bonheur profond et durable, dans lequel nous pouvons jouir de l’existence indépendamment des circonstances. Cet état est appelé la bouddhéité. Nous sommes nés dans ce monde pour réaliser un tel bonheur et non pour seulement endurer la souffrance. C’est une prémisse essentielle du bouddhisme de Nichiren.
La bouddhéité, essence du bonheur
Comment éprouver alors cette “bouddhéité” ? Et sur quoi construire son bonheur, dans un monde en proie à l'impermanence ? Nichiren écrit :
Le trésor du corps est plus précieux que le trésor du grenier, le trésor du cœur est plus précieux que le trésor du corps et c'est le plus précieux de tous. Après avoir lu cette lettre, efforcez-vous d'accumuler les trésors du cœur !
Nichiren, Les trois sortes de trésors, L&T-II, 301.
Le “trésor du grenier” représente les possessions matérielles et les richesses financières. Le “trésor du corps” comporte la santé et l’apparence physique, mais également le savoir, le statut social, etc. Bien qu’ils soient importants et que les négliger puisse nous causer des souffrances inutiles, tous ces trésors sont soumis à l’impermanence et sont donc, finalement, relatifs. Ils changent avec le temps et ne peuvent pas servir de fondement à un bonheur durable.
Les “trésors du coeur” sont les trésors de notre royaume intérieur, les qualités et les attributs de notre nature de bouddha. Les véritables trésors de la vie sont ces qualités qui améliorent notre comportement au quotidien, qui nous inspirent sagesse, courage, bienveillance et confiance. Le fondement du bonheur humain réside dans ce royaume intérieur. Le bonheur construit en “accumulant les trésors du coeur” n’est ni éphémère ni circonstanciel. Il est persistant et, comme le dit Hamlet, résiste “aux traits et aux flèches de l’outrageuse fortune”.2
Développer son moi intérieur
Pour conclure, le bonheur est déterminé par le degré de solidité de notre état intérieur. Notre véritable identité est d'être bouddha, vivant en harmonie avec la Loi de l’univers. Quand nous découvrons les vastes trésors de la vie, grâce à la pratique bouddhique, nous pouvons opérer une réforme radicale en nous-même et éveiller notre grandeur inhérente.
En ce sens, la réalisation de la bouddhéité est un processus par lequel nous découvrons ce qui sommeille au plus profond de notre coeur, notre moi universel. En même temps, ce n’est pas un processus limité uniquement à notre seul domaine personnel. La transformation de notre moi intérieur devient, progressivement, de plus en plus manifeste dans notre comportement. À la fois dans notre corps et notre esprit, dans nos relations et notre entourage, réciter Nam-myoho-renge-kyo fait bouger l’univers avec force vers le bonheur.
En pratiquant le bouddhisme, chacun peut faire surgir l’état de vie le plus élevé, la bouddhéité. Et parce que ce bonheur est construit de l’intérieur, il ne peut être détruit de l’extérieur par les conditions en changement constant.
Article fondé sur le 4e chapitre du Bouddha dans votre miroir, Editions L’Harmattan, Paris, 2008.
Comprendre que l’existence est synonyme de difficultés est une expérience libératrice en ce qu’elle nous permet d’appréhender les problèmes et les souffrances comme des composantes naturelles de toute vie et non comme des preuves de nos faiblesses. Le bouddhisme trouve le bonheur au coeur des difficultés de la vie plutôt que dans l’absence de problèmes.
- 1. ↑ Formulé, dans les premiers enseignements du Bouddha, à travers les Quatre Nobles Verités : (1) La vie est souffrance (2) La souffrance est causée par le désir égoïste (3) L’extinction du désir égoïste apporte la cessation de la souffrance et permet d’atteindre le nirvana (4) Il existe un chemin qui amène à l’extinction de ce désir : l’Octuple Sentier.
Ici, nous pouvons voir les premières indications selon lesquelles le processus pour atteindre le bonheur est un chemin, ou un voyage. - 2. ↑ Hamlet, Acte III, scène I.
- 3. ↑ La Tour aux Trésors est une tour ornée de joyaux et aux dimensions gigantesques apparaissant dans le 10e chapitre du Sûtra du Lotus. Elle représente le vaste état de vie de la bouddhéité.