Après les évènements climatiques de cet été, nous vous proposons de revenir sur le principe d’esho funi (l’inséparabilité de soi et de son environnement), au cœur de la conception bouddhique de la vie.

La compréhension de ce principe nous permet de nous mettre en action pour protéger l’environnement, à travers notre propre révolution humaine. Les textes de cette tribune sont issus du dialogue mené entre Daisaku Ikeda et Arnold J. Toynbee, intitulé “Choisis la vie”.




I. La vie humaine et l’environnement sont inséparables

  Ce n'est qu'en vivant en harmonie avec son environnement naturel, dans une relation où chacun donne et reçoit, qu'il est possible à l'homme de s'épanouir dans une vie créative. Fondé sur cette approche, le bouddhisme enseigne que la relation entre l'homme et la nature n'est pas établie sur une opposition, mais sur une dépendance mutuelle. Cette relation est décrite par le terme esho funi.

Sho = shoho, qui signifie « entité de vie indépendante ».
E = eho, l'environnement qui favorise cette vie.

Étant donné que la vie humaine influence et dépend de son environnement, les deux concepts - esho sont inséparables de funi - si l'homme et son environnement devaient être considérés comme deux entités séparées et opposées, il deviendrait impossible d'appréhender l’un ou l'autre dans sa véritable perspective. Loin de demeurer fixe et immuable, l'environnement change selon la vie qu'elle favorise. Non seulement l'environnement nécessaire à l'homme et aux oiseaux, par exemple, est différent, mais les environnements des individus diffèrent en fonction des caractéristiques de chaque personne. En ce sens, le corps subjectif et l'environnement sont une entité indivisible. Développant plus loin encore ce concept, la pensée bouddhiste situe le fondement de l'union entre sujet et environnement dans la force vitale cosmique.”
[D. Ikeda, p. 45.]


II. Esho funi, un concept pour préserver les générations futures

  Devenus indépendants du profit, les gens ont tendance à raisonner à court terme : “Après moi le déluge.” Ils savent probablement que, si leur appât du gain ne diminue pas, ils condamneront leurs enfants à la destruction. Sans doute aiment-ils leurs enfants ! Seulement cet amour ne va pas jusqu’à les inciter à sacrifier une part de leur actuelle opulence, afin de préserver l’avenir de leurs enfants. Je pense que rien, à part une conversion religieuse - et j’entends le terme “religieux” dans le sens le plus large - ne poussera la génération actuelle dans les pays développés à faire des sacrifices immédiats à leurs propres dépens au nom d’esho funi. Il me plairait de voir esho funi adopté dans le monde entier, en tant que croyance religieuse dont découle une obligation morale.”
[A. Toynbee, p. 49.]


III. Seule la révolution humaine de chaque individu permettra de faire face aux catastrophes

  Le seul moyen de mettre un terme aux catastrophes dont nous discutons est de susciter une sorte de révolution chez chaque individu. Les hommes politiques, grands industriels et scientifiques doivent affronter la responsabilité humaine dans la création de ces catastrophes.

Certains savants avancent qu’avec de nouveaux progrès scientifiques il sera possible, un jour, de mettre fin à toutes les catastrophes naturelles. Je ne suis pas d’accord. L’idée que des avancées scientifiques mettront fin aux désastres dus à la pollution de l’environnement et aux agissements de l’homme n’est qu’un moyen de détourner l’attention du besoin impératif de révolutionner l’éthique humaine. En aveuglant les gens sur ce besoin, une telle confiance dans la science pourrait mener à des catastrophes plus grandes encore que tout ce que nous avons connu. Je ne dénigre pas les réussites de la civilisation moderne et la façon dont elle se sert de la science pour prévenir les catastrophes naturelles, à un certain niveau, mais j’insiste cependant sur le fait que les actes mêmes qui ont rendu cette prévention possible ont souvent eu pour résultat des catastrophes générées par l’homme, ou ont déclenché des désastres d’un nouveau genre.”
[D. Ikeda, p. 52-53.]


IV. La religion permet d’être en harmonie avec la nature et son environnement

  Seule une attitude religieuse envers la vie humaine et son environnement peut nous permettre de reconnaître à nouveau, comme nos ancêtres le reconnaissaient, que, en dépit de son exceptionnel pouvoir, l’être humain est un élément de la nature avec laquelle il doit coexister pour assurer sa propre survie - et celle de la nature - au sein de l’environnement naturel qui lui est indispensable.”
[A. Toynbee, p. 54.]

  La religion requise doit rendre chaque être humain profondément conscient de deux choses importantes : la vérité que la force vitale d’une seule personne compte plus que toute la richesse matérielle du monde, et le principe - tout aussi important - que la vie et la dignité qui lui est inhérente ne peuvent toutes deux être entretenues qu’en réelle harmonie avec la nature.”
[D. Ikeda, p. 70.]


Tiré du livre Choisis la vie - Un dialogue, Daisaku Ikeda et Arnold J. Toynbee, réédité chez L'Harmattan, 2009.

Pendant plus de deux ans, l’historien Arnold J. Toynbee et le président d’un mouvement bouddhiste, Daisaku Ikeda, ont échangé leur point de vue sur une grande variété de sujets, en examinant des réponses aux questions auxquelles l’existence humaine est confrontée tant de manière urgente qu’à long terme.

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