Elisabeth livre son témoignage de persévérance, d’optimisme et d’actions concrètes dans son voisinage en tant que citoyenne.
J’habitais depuis plus de quinze ans dans un immeuble du XIXe arrondissement de Paris. En quelques années, notre environnement s’est dégradé. Éclairages éteints dans le hall, souillures dans certaines parties communes, porte d’entrée et boîtes aux lettres cassées, groupes stationnant dans le hall, et trafic de cannabis rendaient notre vie au quotidien difficile.
Certaines personnes âgées avaient peur de sortir. Quelques parents accompagnaient systématiquement leurs enfants, afin qu’ils ne se déplacent plus seuls, en particulier dans le hall, où je me suis fait insulter en rentrant du travail. Un sentiment d’insécurité se renforçait.
Bouddhiste, je priais pour que l’harmonie revienne, mais j’avais du mal à y croire. Cette situation a été, pour moi, l’occasion d'une prise de conscience d’un certain isolement : au bout de quinze années de vie dans mon immeuble, je ne connaissais toujours pas mes voisins ! Du jour au lendemain, j’ai décidé de réagir en saluant systématiquement chaque personne dans l’ascenseur et en engageant la conversation pour rompre le silence habituel.
J’ai décidé de réagir en saluant systématiquement chaque personne dans l’ascenseur et en engageant la conversation pour rompre le silence habituel.
En fait, nous étions nombreux à partager les mêmes constats et le même découragement. De discussion en discussion, j’ai été amenée à entrer en contact avec une soixantaine de personnes (nous sommes près de trois cents résidents). Cela m’a moi-même étonnée. J’ai pris contact avec l’antenne de gestion de notre immeuble. Plusieurs réunions ont eu lieu avec le chef d’antenne et le gérant. J’ai assuré un relais, en diffusant l’information.
Progressivement, je me suis liée plus particulièrement avec trois personnes. De nos échanges amicaux est née l’idée de proposer à tous les locataires un pot convivial dans le hall, afin de créer les conditions favorables au dialogue avec chacun.
Des pots ont ainsi été organisés régulièrement. L’organisation était simple. Je rédigeais à chaque fois une lettre d’invitation, qu’un voisin photocopiait puis déposait dans la centaine de boîtes à lettres. Il était proposé à chacun d’apporter : boissons, apéritifs, plats… Étaient également conviés des représentants du gestionnaire, de la mairie du XIXe et, bien évidemment, notre gardien. Rapidement, les photocopies ont été prises en charge par l’antenne de gestion, ce qui nous a permis d’étendre l’invitation à des habitants d’autres immeubles du quartier.
Lors d’une de ces réunions, nous avons fait la connaissance d’un éducateur spécialisé travaillant dans un club de prévention. Il nous a fait part du type d’aide qui pouvait être apportée aux jeunes de la rue. Nous avons fait ensuite la connaissance d’autres associations. Des élus municipaux sont même venus nous voir pour nous soutenir et nous féliciter de cette initiative.
Au bout d'un an et demi, la situation s’est améliorée. J’ai baptisé notre immeuble « Tour de la Paix ». On m’a demandé de participer à l’organisation de la fête de quartier et de raconter mon expérience dans le journal de la municipalité.
Récemment, au cours de notre repas de quartier, j’ai accompagné à la flûte une amie qui a fait chanter les gens avec sa guitare. N’est-ce pas une belle façon d’améliorer mon environnement ?
Même si j’ai eu envie de m’enfuir à certains moments, une intime conviction de pouvoir aider à améliorer les choses me tirait toujours dans l’autre sens. Le résultat de ce combat a dépassé mes espérances.