Thème pour la réunion du mois de mars 2012. Nous inaugurons, ce mois-ci, une nouvelleforme de support pour illustrer le thème de la réunion de discussion. Désormais, les participants pourront s’inspirer d’une table ronde sur le thème choisi et illustré par un extrait des écrits de Nichiren Daishonin.

Comprendre et voir que toute chose – le cerisier, le prunier et le pêcher – dans son entité propre, et sans changer d’apparence, est éternellement dotée des Trois Corps inhérents, équivaut à comprendre le caractère myo, qui signifie inclure ou tout inclure. Maintenant, Nichiren et ses disciples, qui récitent Nam-myoho-renge-kyo, sont éternellement dotés de ces Trois Corps.
Nichiren Daishonin, OTT, 200-201

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Vous possédez immanquablement une mission que vous seul pouvez accomplir. La foi dans le bouddhisme de Nichiren permet de faire jaillir et d’utiliser, de la manière la plus positive, les qualités uniques que chacun d’entre nous possède. Il est inutile de se faire passer pour quelqu’un d’autre ; soyez vous-même. Le deuxième président de la Soka Gakkai, Josei Toda, a enseigné l’importance de vivre en restant fidèle à soi-même. N’ayez jamais peur d’exprimer votre potentiel et ne vous dépréciez jamais.

Chacun de nous est un protagoniste sur la grande scène de kosen rufu. Vivez pleinement votre mission, fidèle à vous-même, à l’image du cerisier, du prunier et du pêcher.1

Table ronde

Intervenants : Makiko, Toshihide, Claire et Laurent : respectivement responsables des jeunes filles, des jeunes hommes, secrétaire générale des femmes, et responsable des hommes du mouvement Soka en France.


Toshihide. En japonais, le mot mission se dit shimei, qui signifie « utiliser sa vie ». Dans Dialogue avec la jeunesse, Daisaku Ikeda écrit : « Chaque personne a une mission qu’elle seule peut réaliser. » Quelle est notre raison d’être ? Cela revient à se demander : « Que puis-je réaliser, dans ma vie personnelle, familiale, de couple, professionnelle... dans tous les domaines de ma vie ? »

Makiko. On peut vivre pour diverses raisons : l’argent, une carrière ou un statut professionnel, pour sa famille... Notre pratique bouddhique nous éveille à une raison de vivre plus profonde, celle de « bodhisattva sorti de la terre ». C’est-à-dire à la conviction que l’on naît pour réaliser le grand voeu d’être heureux et de contribuer au bonheur des autres. Cela revient à inspirer notre entourage avec cette force vitale manifestée grâce à la pratique. S’éveiller à cela permet de réaliser toutes les autres « missions» de notre vie – travail, famille, relations amicales, santé – qui ne sont toutes, en définitive, que des moyens pour contribuer à notre bonheur et à celui des autres.

Toshihide. La tendance des jeunes est de désirer des choses, mais, aussi, d’être parfois dans une position un peu attentiste. La prière m’a donné beaucoup de force vitale pour me dépasser, faire surgir du courage, croire en mes rêves et agir Du coup, les portes se sont ouvertes petit à petit.

Claire. Parfois, on se demande à quoi sert de construire une vie, d’avoir un travail, une famille, puisque, de toute façon, on doit mourir. L’enseignement du bouddhisme m’a permis de donner un sens à ma vie. Il y est expliqué qu’on peut devenir le maître de sa vie, et non subir un destin.

Lorsque j’ai entendu parler du bouddhisme, je terminais une thèse. J’avais eu l’occasion de lire des textes, notamment sur la philosophie de Platon. On y retrouve cette notion d’âmes qui choisissent une vie selon leur désir, les plus avisées devenant « rois-philosophes ». Lors de son voyage en Grèce, en 1962, Daisaku Ikeda avait cité ces paroles de Platon : « Aider les êtres humains à devenir sages, à devenir des philosophes-rois, est la clé pour parvenir à une véritable démocratie. »2 Il nous dit souvent, aussi, que nous sommes nés pour être heureux et pour rendre les autres heureux, pour nous encourager mutuellement.

Quand on a ce grand but d’être un soleil dans la vie, notre vie s’élargit à la dimension de la joie illimitée que l’on peut partager avec tous.

Makiko. Daisaku Ikeda dit également que le temps est venu, pour notre mouvement Soka, d’inspirer la société avec la force vitale de la vie qu’on développe par la pratique bouddhique.

Claire. Le propre de l’être humain est sa capacité d’encourager et de donner de l’espoir. Je pense au livre Une affaire personnelle3 du prix Nobel de littérature, Kenzaburo Oe4. Ce livre autobiographique raconte la souffrance d’un homme dont l’enfant naît avec une malformation cérébrale. Il est acculé à ce choix : s’il ne fait rien, son enfant meurt; si on l’opère, il est sauvé, mais sera handicapé à vie. Finalement, après une longue « descente aux enfers », le père prend la décision de faire opérer son enfant, qui sera sauvé et deviendra, malgré son handicap mental, un grand compositeur. Par ce choix, la vie de cet écrivain a pris un sens qu’elle n’aurait jamais eu autrement La raison d’être de la vie, c’est peut-être d’en incarner toute la dignité.

Toshihide. J’ai commencé à pratiquer pour réaliser mon rêve professionnel de travailler dans l’automobile. C’est d’abord parti d’une grande décision : utiliser ma vie pour créer des valeurs dans la société et me réaliser en tant qu’être humain, en faisant quelque chose que j’aimais profondément Je me suis demandé : « Qu’est-ce que j’ai envie de réaliser, dans ma vie ? » J’ai décidé de ne pas laisser tomber mon rêve et d’en faire ma réalité. J’ai pu me construire et aller au bout de ce défi. Tous les jours, j’ai fait surgir du courage pour aller de l’avant, pour y croire. Aujourd’hui, je me sens à ma place, en résonance avec ce que j’aime faire. Je suis très reconnaissant envers ce qu’enseigne le bouddhisme. Cela m’a permis d’aller jusqu’au bout. Ma pratique bouddhique m’a apporté de la force vitale, chaque jour, et l’espoir renouvelé au quotidien que mon rêve était possible. Je suis passé ainsi à l’action : envoyer des CV, me rendre à des entretiens, mais aussi créer des liens de confiance, encourager, donner de l’espoir autour de moi.

Makiko. Un des dangers est de se définir uniquement sur l’aspect professionnel de notre vie. Ainsi, lorsqu’on est sans travail ou dans un travail qui ne nous correspond pas, on peut tomber dans une dépréciation générale de notre vie et se dire : « Je n’ai pas de travail, je ne fais pas ce que je souhaitais, donc ma vie est un échec... »

Mais le bouddhisme enseigne que nous possédons une joie profonde de vivre, indépendante des circonstances. Cette joie qui accueille les défis de la vie et qui s’éveffle au grand voeu de contribuer au bonheur des autres, c’est la bouddhéité. Ne pas avoir de travail ou ne pas faire exactement ce que l’on souhaiterait n’est pas le véritable souci. Il s’agit plutôt de combattre le découragement et le constat d’échec qui peuvent apparaître, car on aura résumé le sens et le but de notre vie à un seul domaine.

Toshihide. Pour les jeunes qui n’ont pas encore trouvé leur chemin, Daisaku Ikeda encourage à escalader la première montagne qui se présente à eux. On arrive à un premier panorama, on avance, on vit des expériences, on apprend à se forger soi-même et l’on grimpe encore. Finalement, par ce cheminement, en ouvrant la fenêtre de son coeur, on y voit plus clair. Pour moi, la clé, c’est cette notion de courage. Le courage de sortir de son lit, d’aller vers les autres, d’échouer, d’essayer encore et encore... de vivre.

Laurent. Avec le recul, je dirais que le sens de la mission apparaît lorsque nous dépassons notre petit ego, pour nous centrer sur la Loi bouddhique.

C’est un dépassement qui passe, comme le dit Toshihide, par des efforts répétés, en d’autres termes par la persévérance. Selon Nichiren : « La persévérance est l’autre nom du Bouddha. » Faire apparaître cette nature de bouddha chez soi et la transmettre aux autres, c’est creuser son sillon de bodhisattva. Nous creusons tous notre sillon, mais pas toujours comme des artisans de la Loi merveilleuse.

Il est très important d’avoir de grands buts. C’est en ayant une grande vision pour sa vie que l’on peut se libérer des entraves quotidiennes et parvenir à son accomplissement. Comme en musique, pour jouer une grande oeuvre, il faut des instruments très différents, des flûtes, des percussions, des violons, etc. Pour jouer la grande oeuvre de kosen rufu, tous nos talents uniques sont nécessaires, tel l’océan qui ne rejette aucune rivière.

Claire. Daisaku Ikeda avait dit à Herbie Hancock: « La vie commence à soixante ans. » C’est-à-dire que, à partir d’un certain âge, on peut voir le chemin parcouru. Avant, c’est très difficile, on le construit, on est dedans. Si l’on s’arrête en chemin, tous les efforts entrepris auront été vains. C’est souvent après un ou plusieurs échecs que l’on finit par installer une stabilité en soi, par dépasser la peur.

Makiko. Le message du bouddhisme de Nichiren est: « Accomplissez joyeusement la mission qui est la vôtre, tel que vous êtes. » C’est-à-dire que nous n’avons pas à nous comparer aux autres, mais simplement d’essayer d’offrir le meilleur de nous-même.

Parmi les disciples de Shakyamuni se trouvait Mahakashyapa, qui fut critiqué par d’autres, car il n’était pas un bon théoricien de la Loi bouddhique. Mais, pour l’encourager, Shakyamuni a partagé son siège avec lui. Et ce fut le seul disciple qui eut cet honneur À ce propos, Daisaku Ikeda explique : « Cela témoigne de la profonde confiance de Shakyamuni, soucieux que Mahakashyapa puisse développer ses qualités personnelles. (...) Le bouddhisme ne cherche pas à créer une image déterminée de l’homme idéal, pas plus qu’il n’exige que l’on se conforme à un stéréotype particulier. Il encourage plutôt ses pratiquants àfaire plein usage de leurs qualités et caractéristiques propres. »5 Le Bouddha voit la même bouddhéité dans la diversité des talents et encourage chaque personne à exprimer ses qualités propres, c’est-à-dire à accomplir sa mission unique pour la paix.


  • 1. Tiré de Vivre les écrits de Nichiren Daishonin, paru dans le Seikyo Shimbun, quotidien affilié au mouvement bouddhiste Soka au Japon.
  • 2. La Nouvelle Révolution humaine, Vol. 6, p. 99.
  • 3. Éd. Stock.
  • 4. Prix Nobel de littérature en 1994.
  • 5. La Vie du Bouddha, Les Indes savantes, p. 110.