Thème pour les réunions du mois de décembre 2012. Pour les réunions de discussion du mois de novembre, nous vous proposons de dialoguer autour de la phrase ci-dessous, commentée par Daisaku Ikeda, et de la table ronde qui suit.
Le Sûtra du Lotus est comme la lune. Pour ceux qui ont foi. dans le Sûtra du Lotus, mais une foi peu profonde, c’est comme si une demi-lune éclairait l’obscurité. Mais, pour ceux dont la foi est profonde, c’est comme si la pleine lune illuminait la nuit.
Nichiren, L'essentiel du chapitre Yakuô (Écrits, 91 ; L&T-VII, 9).
Commentaires de Daisaku Ikeda
C’est précisément en cette époque si sombre que la sagesse et la bienveillance du bouddhisme de Nichiren brillent encore plus. Notre foi nous permet de puiser librement dans la force du bouddhisme, qui révèle que chacun possède le potentiel de manifester l’état de bouddha. Quand notre foi est forte, nous revitalisons immanquablement notre vie et celle des autres. La passion et l’esprit ardent des jeunes de la SGI sont source de lumière, comme la pleine lune illumine avec éclat l’humanité entière.1
Table ronde
Jean-Pierre, responsable des hommes de le région Centre-Atlantique. Cet extrait, tiré de l’Écrit du Nouvel An est celui que l’on lit régulièrement le 1er janvier de chaque année. Les dix états2 existent en nous, de l’enfer à la bouddhéité. Autant, on peut comprendre que l’enfer existe, autant la bouddhéité est plus difficile à saisir ! Il est certainement plus facile de se dire : « Je souffre », ou « Je me sens découragé » que « Je suis bouddha ! »
Yann, responsable des jeunes hommes, région Centre-Atlantique, vice-responsable national des jeunes hommes. Voici comment j’ai interprété cet extrait, après l’avoir relu plusieurs fois : tout est une question de profondeur de notre foi ; plus on la renforce, plus « ça rayonne ».
Misao, vice-responsable générale des femmes. Ce passage illustre bien le principe de causalité. Dans un autre gosho, Nichiren écrit: « La Loi bouddhique est comme le corps, et le monde, comme l’ombre. Quand le corps se penche, l’ombre se penche également. »2
Jean-Pierre, responsable des hommes de la région Centre-Atlantique. Le thème de la foi, qui revient systématiquement à chaque réunion sous différents angles, est vaste et profond. La référence à la demi-lune et à la pleine lune m’évoque les bodhisattvas de l’enseignement théorique3 et les bodhisattvas sortis de la terre. Ces deux notions sont intimement liées et inhérentes à chacun. Chacun, avec ses talents, contribue à aider les autres, mais, s’ils n’ont pas le moyen de puiser dans leur propre potentiel en devenant autonomes, cette action sera partielle, alors que, fondées sur la croyance, nos actions dans la société éclaireront pleinement celle-ci.
Yann. Alors, qu’est-ce qu’une forte croyance ? Pour moi, c’est une question d’état intérieur, d’état de vie. Dans La Sagesse du Sûtra du Lotus, Daisaku Ikeda cite René Dubos4 : « Il serait agréable d’imaginer une vie sans stress ni contrainte dans un monde libéré de tout souci, mais ce n’est qu’un rêve creux. La Terre n’est pas un lieu de plaisance ; (...) grandir au milieu des dangers est le destin du genre humain parce que c’est le principe de l’esprit. » Daisaku Ikeda commente ce passage ainsi : « Changer le stress et les soucis en force vitale, c’est le principe de changer le poison en élixir. Nous devons parvenir à cet état de vie qui permet de vivre avec une grande joie. Pour cela il nous faut lutter. »5 C’est à cette combativité que l’on s’exerce. Elle permet, grâce à la croyance, d’élever notre état de vie. On peut alors englober toutes les fluctuations – qui sont normales – de la vie. Il s’agit aussi, bien sûr, de s’exercer au quotidien. Pour moi, cette combativité s’exprime le mieux lorsqu’on a conscience d’oeuvrer pour le Grand Voeu d’être heureux et de contribuer au bonheur des autres. Si on arrive à donner un sens à ce qu’on vit, cette combativité devient naturelle.
Misao. Pour certains, il est très difficile d’être combatif, ou de ressentir de l’espoir, ou encore de trouver le courage nécessaire. En récitant Daimoku pour faire jaillir l’espoir, le courage, la force vitale, on élève notre état de vie, on fait naître une énergie, imprégnée de sages se, de bienveillance. Toutes ces qualités sont des caractéristiques de notre état de bouddha. Il en est de même pour la bonne fortune que l’on crée. Si notre croyance est profonde, les fonctions positives de la vie se manifestent dans la nôtre. « Plus notre foi est forte, plus la protection des divinités est grande. »6 Quand j’étais étudiante, j’ai rencontré de grandes difficultés, avec notamment des problèmes de carte de travail... Je ne doutais pas de l’affirmation de Nichiren : « Je prie avec autant de ferveur qu’il en faudrait pour produire du feu avec du bois humide ou tirer de l’eau d’un sol desséché. »7 Mais pour l’appliquer à moi-même... Je me demandais : « Est-ce que j’ai assez de croyance pour vivre cette phrase ? » Alors, j’ai beaucoup pratiqué, j’ai douté, lutté contre mon incapacité à croire, cette « obscurité fondamentale ». Petit à petit, j’ai constaté un changement en moi, jusqu’à en arriver à me dire : « J’y arriverai absolument », jusqu’à en arriver à croire.
J’ai obtenu ma carte de travail. Finalement, l’impossible était devenu possible. La croyance forte ne naît pas tout de suite. À chaque expérience, elle grandit. À chaque période difficile de ma vie, j’ai appliqué ce passage de Gosho et, à chaque fois, j’ai fait apparaître de grands résultats. Une fois que l’on sait nager, on peut nager facilement par la suite. De la même manière, une fois que l’on a expérimenté la force de Nam-myoho-renge-kyo, on peut l’expérimenter de nouveau, fort de la croyance acquise la ou les fois précédentes.
Yann. Au début, quand on commence à pratiquer le bouddhisme de Nichiren, il arrive que des résultats positifs se manifestent assez facilement. Puis, au fil du temps, les bienfaits de la pratique deviennent plus intérieurs et profonds, jusqu’à parvenir à un état de vie éclatant. C’est graduel, cela s’approfondit avec le temps et toujours en lien avec la vie quotidienne. « Au lieu d’être contrôlés et tiraillés de droite et de gauche par les difficultés, nous développons une force qui nous rend capables d'affronter courageusement et de surmonter les souffrances avec panache ! » Non seulement on les affronte, mais en plus avec panache ! « Si notre vitalité est de force i et que nous rencontrons un problème de force 2 ou 3, nous serons très probablement découragés, mais, si nous développons notre vitalité jusqu’à force 100, 1 000 ou 10 000, ces problèmes ne deviennent que des désagréments à peine perceptibles que nous éliminons facilement tout en continuant à progresser joyeusement. »8
Misao. Dans le même ordre d’idées, Daisaku Ikeda écrit : « Nous parlons d’obtenir la grande force vitale qui permet de briser les chaînes de la souffrance. Cette grande force vitale implique bienveillance et sagesse, tout autant que bonne fortune et bienfaits. (...) Quand notre être tout entier déborde de vitalité, notre monde saha empli de souffrance se change en un monde d’une joie éclatante (...). Jouir de cette grande force vitale est en soi “Vivre en paix et en sécurité en ce monde”. (...) Nichiren Daishonin écrivit : “Il faut considérer l’apparition des obstacles comme la véritable paix et sécurité.” (GZ, 750) Ce que l’on appelle “véritable paix et sécurité en ce monde” correspond à un état de vie où, ayant lutté et triomphé courageusement de toutes les épreuves, on en ressort avec une foi encore plus brillante et renforcée. »9
Yann. Si la clé de cette force vitale réside dans notre pratique, il s’agit de réciter un Daimoku de qualité. Récemment, je me suis redéterminé, dans mon défi de pratiquer un certain temps tous les jours. Peu à peu, mon défi s’est élargi à réciter un Daimoku « concentré », puissant.
Misao. En essayant de se forger une détermination de plus en plus grande, on gagne peu à peu en concentration. Et c’est là qu’intervient la persévérance.
Jean-Pierre. Quand on s’installe pour faire Daimoku, nous sommes parfois fatigués, ou dans le doute, ou dans la souffrance... Pratiquer amène un changement d’état intérieur. D’ailleurs, on dit souvent de continuer à réciter Daimoku – si les circonstances le permettent – jusqu’à ce qu’on se sente « bien ». On pourrait dire que la manifestation du dixième état, l’état de bouddha, est signe de croyance.
Misao. C’est cela, pratiquer jusqu’à sentir : « Je vais remporter la victoire. » Au bout d’un moment, la récitation de Nam-myoho-renge-kyo nous libère de notre doute, de notre angoisse ou de la souffrance ressentie sur l’instant... À un moment, on « lâche ».
Yann. Je pense que la prière doit vraiment s’inscrire dans ce que l’on vit. Quand je récite Daimoku, est-ce que je peux penser à mes préoccupations quotidiennes ? Oui. Alors, notre détermination s’oriente vers la victoire dans la réalité qui est la nôtre.
Jean-Pierre. J’aimerais revenir sur le passage du commentaire : « Quand notre foi est forte, nous revitalisons immanquablement notre vie et celle des autres. » Ici, il est question de l’impact de notre croyance dans la société. Au tout début de ma pratique, on m’a dit : « Pratiquer éveille force vitale, sagesse et bienveillance qui, à leur tour, entraînent l’apparition de bonne fortune. » Tout de suite, de nouveaux horizons se sont ouverts dans ma vie. C’est quelque chose qu’un nouveau pratiquant peut ressentir assez vite : un nouveau dynamisme, un coeur qui s’ouvre, le souci des autres qui grandit très naturellement et, aussi, une sagesse pour pouvoir trouver des solutions aux problèmes quotidiens. Deux principes bouddhiques, en particulier, m’ont interpellé : « La foi égale la vie quotidienne » et « Le bouddhisme équivaut à la société ». Que signifie alors « éclairer la société » ? Qu’est-ce que ça implique ? Il est essentiel que chacun de nous cherche à comprendre ce qu’est une croyance qui « éclaire » la vie quotidienne et en quoi faire connaître la Loi bouddhique peut éclairer la société.
Yann. C’est là qu’intervient le lien entre deux notions évoquées dans cet extrait : la foi et la transmission de la Loi. Pourquoi faisons-nous connaître la Loi bouddhique aux autres ? Daisaku Ikeda est très clair, on ne transmet pas la Loi pour convaincre, montrer qu’on a raison, mais parce qu’on a la réelle conviction que c’est l’enseignement qui va conduire les êtres humains au bonheur. C’est par compassion que l’on partage la Loi bouddhique et non parce qu’on nous le demande.
Jean-Pierre. La notion de foi ou de croyance en bouddhisme est difficile à saisir. On peut s’imaginer que c’est « mystique ». Mais entendre « La foi, c’est la vie quotidienne », c’est révolutionnaire. Tout est là. Si l’on est sérieux, sincère dans notre vie quotidienne, c’est déjà l’expression de la foi.
Paru dans Valeurs humaines n°25, décembre 2012.
- 1. ↑ Extraits de « Vivre les écrits de Nichiren Daishonin », paru le 1er mai 2012 dans Seikyo Shimbun, quotidien affilié au mouvement bouddhiste Soka au Japon. Voir la rubrique Encouragements.
- 2. ↑ Écrits, 1049; L&T-lll, 350.
- 3. ↑ Bodhisattvas de l’enseignement théorique : bodhisattvas qui apparaissent dans l’enseignement théorique du Sûtra du Lotus. Ils sont disciples d’un bouddha provisoire, qui n’a pas révélé sa véritable identité de bouddha qui a atteint l'Éveil dans un très lointain passé.
- 4. ↑ René Dubos (1901-1982) : médecin et biologiste américain, d’origine française.
- 5. ↑ La Sagesse du Sûtra du Lotus, vol. 5, Acep, p. 132-133.
- 6. ↑ Écrits, 619 ; L&T-lll, 221.
- 7. ↑ Écrits, 83, L&T-VI, 83.
- 8. ↑ La Sagesse du Sûtra du Lotus, vol. 5, Acep, p. 185.
- 9. ↑ La Sagesse du Sûtra du Lotus, vol. 5, pp. 186-187.
A lire dans le numéro de Valeurs humaines du mois de novembre 2012.
Valeurs humaines est le mensuel des associations Soka du bouddhisme de Nichiren.
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