Thème pour les réunions du mois de juin 2012. À l’occasion de la réunion de discussion du mois de juin, nous célébrerons la réunion générale des femmes. Nous vous proposons de dialoguer autour de l’extrait de gosho ci-dessous, des commentaires de Daisaku Ikeda et de la table ronde qui suivent.
Souffrez s’il faut souffrir, et goûtez pleinement la joie lorsqu’elle se présente. Considérez la souffrance et la joie comme des réalités inséparables de la vie et continuez à réciter Nam-myoho-renge-kyo quoi qu’il arrive. Vous connaîtrez alors la joie illimitée que procure la Loi. Fortifiez votre foi plus que jamais.
Nichiren, Le bonheur en ce monde (L&T-1, 179)
Commentaire de Daisaku Ikeda
Ce célèbre passage de gosho provient d’une lettre d’encouragement envoyée par Nichiren Daishonin à Shijo Kingo. Ce dernier avait encouru la disgrâce de son seigneur Ema, après avoir essayé de lui enseigner le bouddhisme. Ema considéra alors Nichiren avec haine, comme son ennemi.
À certains moments, la vie peut ressembler à une suite sans fin de douleurs et de souffrances. Mais, de même que les phases favorables ne durent jamais éternellement, les mauvaises périodes non plus. La vie est à la fois une combinaison du bien et du mal, de la souffrance et de la joie. Parfois, nous gagnons ; d’autres fois, nous perdons. La souffrance et la joie font, l’une et l’autre, partie de l’existence ; telle est la réalité de la vie. C’est pourquoi nous devons continuer à réciter Nam-myoho-renge-kyo, dans la souffrance comme dans la joie, sans nier ce que nous éprouvons, nous dit Nichiren Daishonin. Alors, nous pourrons parvenir à un état de bonheur suprême, grâce à la sagesse et au pouvoir de la Loi merveffleuse et nous pourrons mener une vie où rien ne pourra nous vaincre.
Nichiren Daishonin utilise la formule : « Vous connaîtrez la joie illimitée que procure la Loi ». « Connaître » signifie ici que nous pouvons obtenir et savourer cette joie par nous-même. Cela ne dépend que de nous, pas des autres. La joie de la Loi n’est pas donnée par quelqu’un. On ne peut pas la recevoir des autres. Créer notre propre bonheur et faire par nous-même l’expérience de ce bonheur, développer la force intérieure et la capacité de goûter sereinement la vie, quels que soient les hauts et les bas – tel est le sens de « Vous connaîtrez la joie illimitée que procure la Loi ». Un tel état de vie nous est garanti par le pouvoir de Nam-myoho-renge-kyo.
Extrait d’un discours prononcé le 21 avril 2005 pour celébrer le 3 mai, jour de la Soka Gakkai et jour des mères du mouvement Soka.
Table ronde
Françoise, responsable femmes des Yvelines.
On pense que soufl±ance et joie sont
très éloignées l’une de l’autre, alors
que, en fait, en un instant, si l’on décide
de mettre toutes nos forces dans une
prière sincère, on peut passer de la
souffrance à une joie profonde.
J’ai pu le vérifier lors du décès de mon frère. Lorsque
toute la famille s’est retrouvée au funérarium, ma mère,
ma soeur cadette, mon mari et moi-même avons pratiqué, pendant une demi-heure, près
du corps. Malgré la souffrance vécue par nous tous, et surtout par ma
mère, elle qui venait de perdre son enfant, nous avons
ressenti un bien-être intérieur, après avoir prié ensemble. Puis, nous nous sommes
réunis autour d’un thé
et de gâteaux. Ma soeur aînée, qui ne pratique pas, a
été très impressionnée par la sérénité qui émanait de
nous, et mon père a dit, plus tard, à ses amis, qu’il était
très fier de ses deux filles bouddhistes.
J’ai beaucoup de reconnaissance envers mon frère. Il
m’a permis de vivre cela. Dans les périodes de découragement, je me souviens de ce
moment où, finalement, très vite, nous avons pu apaiser notre souffrance.
Par la suite, même si la tristesse est toujours là – il
nous manque –, avoir ressenti cette joie dans un
moment de douleur intense reste gravé dans mon
coeur. Cela a fortifié ma croyance.
Myriam, responsable nationale des femmes.
Je suis d’accord sur l’importance de
décider. Mais parfois, lorsqu’on vit
dans une grande souffrance, on
pense qu’il est impossible d’en sortir, on ne voit pas d’espoir à l’horizon.
Ce doute est en soi une forme de
détermination négative et l’on reste dans la souffrance.
Lydia, vice-responsable femmes Paris XXe.
C’est comparable à un tunnel, c’est
noir. Mais garder espoir, c’est se rappeler que, à l’autre extrémité, quelle
que soit la longueur du tunnel, la
lumière va réapparaître. Cela nous
permet de traverser les périodes sombres de notre vie.
Certains vont plus vite que d’autres, roulent à 130 km/h.
Même si moi je roule à 80 km/h, l’important, c’est que
j’y arrive, dans cette vie.
Myriam. Quand on est dans la douleur, réciter Nam-myoho-renge-kyo, qui
est la Loi de l’univers, nous permet de nous accorder au rythme de l’univers qui
régit les étoiles, les planètes, mais aussi notre vie. Ce processus nous permet d’
apaiser un mal-être, un sentiment de désespoir... Tout dépend de la détermination
que nous avons en notre for intérieur.
Françoise. Quand je me suis trouvée face à des difficultés que je considérais
comme insurmontables, parce que mon mari était gravement malade, c’est la
relation que j’ai construite avec mon maître bouddhique qui m’a permis de
« décider » de ne plus souffrir.
Dans La Nouvelle Révolution humaine1, il y relate des
expériences très concrètes qui ont eu une résonance
dans ma vie. J’y ai trouvé des réponses à mes questionnements. J’ai alors pu
expérimenter la mise en application de la notion bouddhique des difficultés,
considérées comme source de développement.
Myriam. Dans ce livre, le récit de situations qui semblent inextricables et la
vision toujours extrêmement positive et d’espoir, que Daisaku Ikeda met en avant,
nous montrent qu’il n’existe pas de situation que l’on
ne puisse transformer. La transformation, c’est d’abord
celle de notre coeur Par exemple, dans un chapitre, il
raconte l’expérience d’une jeune fille handicapée qui
souffre de ne pas être à la hauteur de sa responsabilité bouddhique, du fait de sa
lenteur Elle demande
à Shin’ichi2 de la décharger de sa
fonction. Au lieu de
la plaindre, il la reprend sur la tendance qu’elle a de
ne pas croire en son potentiel. Malgré cette sévérité,
elle comprend ce qui l’empêche d’être heureuse : ce
n’est pas son handicap physique, mais son manque
de croyance en elle, en sa capacité à changer. À partir
du moment où son maître bouddhique lui fait comprendre où se situe son point faible,
elle change et
transforme la situation. Tout au long du livre sont relatées des situations qui
semblent désespérées (financières, familiales...). À travers ces exemples, on peut
voir combien le bouddhisme de Nichiren enseigne la
philosophie de l’espoir. Celle dont l’un des principes
majeurs réside dans « la transformation du poison en
remède ». Le changement de notre coeur entraîne un
changement radical et positif des circonstances.
Françoise. Vivre des moments difficiles qui nous
plongent dans la souffrance permet aussi de nous rendre plus humain. Parce que l’on
traverse ces périodes, on peut forger notre humanité, on devient capable de
toucher le coeur des gens, de développer une joie de
vivre et de la transmettre aux autres. On m’a souvent
fait remarquer que je souriais souvent.. C’est le reflet
de ma joie de vivre. Surmonter les difficultés est un
moteur dans ma vie.
Myriam. La pratique bouddhique, c’est affronter au
lieu d’éviter. Quand nous avons accumulé un peu
d’expérience, nous pouvons considérer chaque problème comme un défi. On acquiert
ainsi une forme de liberté. Bien sûr, quand on est dans le noir du tunnel, ce sont
aussi l’écoute des autres et leurs encouragements qui nous soutiennent Tout seul,
c'est parfois difficile. Dans notre mouvement, les femmes
qui combattent pour surmonter leurs difficultés
développent un coeur très large, en s’engageant à
encourager ainsi les autres.
Lydia. Au début, je considérais la pratique bouddhique comme une baguette
magique : « Tu pries et les choses vont se réaliser. » En étudiant et en dialoguant
avec les autres pratiquants, j’ai compris que tout part
de soi. Quelles que soient les difficultés, j’ai appris
à me dire : « Ok, c’est un tremplin pour avancer. »
Dans ma prière, je m’exerce à trouver le moyen de
développer une force intérieure assez solide pour
faire face à l’obstacle, quand il se présente. Pour moi,
la pratique bouddhique, c’est se lancer un défi tous
les jours. Par exemple, pour un problème donné, je
pars du principe suivant : « Je veux que ce soit comme
ça. » Dans le bouddhisme de Nichiren, c’est nous qui
décidons.
Myriam. Quand j’ai commencé à pratiquer, j’étais parfois triste, sans en comprendre la raison. Lors de mes premières réunions, je pleurais souvent.. Ma tristesse n’était pas due à mes conditions de vie ni à mon histoire – j’ai vécu une enfance heureuse –, mais à mes tendances karmiques. Mes premiers daimoku ont été pour trouver la joie. Peu à peu, tout en gardant ma personnalité (je suis peu démonstrative), j’ai pu ressentir presque constamment cette joie au fond de moi. Il m’arrive d’être mélancolique, mais c’est de plus en plus rare et ça ne dure pas.
Même lorsqu’une tempête se déchaîne en surface, au
fond de l’océan, c’est calme. Avec les années de pratique, je ressens au plus profond de ma vie une grande
joie et une grande reconnaissance.
Françoise. En ce qui me concerne, j’étais une personne plutôt optimiste, avec une histoire personnelle très heureuse. Mais je vivais dans un cocon. Quand
j’ai rencontré mon mari, j’ai pris conscience qu’il n’en
était pas ainsi pour bien des gens. Certains n’étaient
jamais joyeux, d’autres souvent tristes. Au début, ce
fut un choc : je ne pouvais pas partager leur souffrance.
Puis, j’ai été confrontée à la maladie de mon mari. En
lisant La Vie à la lumière du bouddhisme3, j’ai compris
que les moments douloureux peuvent aussi nous rendre capable d’encourager les autres. Ma situation m’a finalement permis de sortir de ma tour d’ivoire, de
prendre conscience aussi que les autres me faisaient
peur et, ainsi, de me rapprocher d’eux.
Myriam. Lorsqu’on donne un sens à nos difficultés, on peut ressentir de la joie tout en luttant pour les surmonter. Quand on subit les choses, on ne voit pas le bout des problèmes et l’on tombe facilement dans la plainte. Dans un premier temps, cèst naturel et humain, car on se sent impuissant. Mais, en revenant sur la notion bouddhique des difficultés qui leur donne un sens, on évacue cette plainte, qui est aussi un manque de croyance en notre nature de bouddha. La plainte disparaît quand on revient sur le sens de notre vie, sur le sens de notre raison d’être en tant que bouddhiste. Un jour, Daisaku Ikeda a parlé d’une femme qui, après avoir lu intégralement le Gosho, avait déclaré qu’elle avait cessé de se plaindre. En effet, cette lecture lui avait permis d’entrer en contact avec la vie de Nichiren. Malgré toutes sortes de persécutions, Nichiren a réussi à développer une force de vie magnifique, qui lui permettait d’affirmer, dans les pires difficultés : « Je ressens une joie sans limites. »4
Paru dans Valeurs humaines n°19, mai 2012.
- 1. ↑ Écrit par flaisaku Ikeda, le roman La Nouvelle Révolution humaine relate l’histoire du mouvement Soka depuis 1960, année de sa première visite en Europe.
- 2. ↑ Prénom de Daisaku Ikeda, dans le roman.
- 3. ↑ Daisaku Ikeda, Éd. du Rocher.
- 4. ↑ L&T-I, 102. Alors qu’il est en exil sur l’île de Sado, au nord-ouest du Japon, depuis presque deux ans, Nichiren écrit ces mots à l’un de ses disciples.
Valeurs humaines est le mensuel des associations Soka du bouddhisme de Nichiren.
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