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Daisaku Ikeda (1928-2023) était un philosophe bouddhiste, auteur et poète. Il est devenu en 1960 le troisième président de l'association laïque Soka Gakkai au Japon, et a créé en 1975 la Soka Gakkai internationale (SGI), un mouvement bouddhiste fédérant les associations Soka de tous les pays. Animé par l'idéal bouddhique de coexistence pacifique et convaincu du pouvoir et de la nécessité du dialogue, il s'est consacré toute sa vie à l'établissement d'une culture de paix dans le monde. Il s'est éteint paisiblement le 15 novembre 2023, à l'âge de 95 ans.

Suite au décès de Daisaku Ikeda le 15 novembre 2023, se sont succédés de nombreux hommages à travers la presse, des événements honorant sa mémoire, notamment au Parlement européen.


Né le 2 janvier 1928 à Tokyo, au Japon, Daisaku Ikeda était le cinquième fils d'une famille nombreuse engagée dans la culture d'algues. Dans sa jeunesse, il souffrait de tuberculose chronique et ne devait pas vivre au-delà de 30 ans.

Daisaku Ikeda a survécu à une enfance difficile, éclipsée par l'escalade du militarisme nationaliste. Le système éducatif de l’époque visait à produire des sujets fidèles et formés pour servir les intérêts de l’État. Alors qu'il avait 13 ans, le Japon entra dans la Seconde Guerre mondiale.

Les frères aînés de Daisaku Ikeda ont tous été enrôlés dans l'armée. Son frère aîné, qui avait partagé avec le jeune Daisaku l'horreur dont il avait été témoin lors de la guerre en Chine, a été tué lors de la campagne d'Imphal au Myanmar. Assistant au chagrin de sa mère lorsque la nouvelle de la mort de son fils lui fut finalement annoncée en 1947, il a ressenti avec acuité la cruauté, la futilité et le gâchis de la guerre.

Ma mère est aussi le point de départ de mes activités pour la paix. Elle est restée courageuse et intrépide alors que quatre de ses fils lui avaient été enlevés, l'un après l'autre, pour combattre durant la Seconde Guerre mondiale. Mais quand, après la guerre, elle appris que son fils aîné avait été tué au combat, elle en eu le cœur brisé. Je n'oublierai jamais la vue de sa douleur et de son chagrin à ce moment-là, aussi longtemps que je vivrai.
Daisaku Ikeda, L'Esprit de respect pour la vie, essai sur Wangari Maathai.

Quelques mois plus tard, avec les autres membres d'un petit groupe de lecture qui échangeait des livres sauvés des ruines de la guerre, il assistait à une réunion sur la philosophie organisée dans une maison. Là, il rencontra Josei Toda (1900-1958), qui partagea le bouddhisme de Nichiren et son enseignement visant à libérer les gens de leurs souffrances et à créer une société basée sur le respect de la dignité fondamentale de la vie et l'égalité de tous. Cette philosophie d’autonomisation basée sur le Sûtra du Lotus offrait de l’espoir aux gens ordinaires souffrant de privation économique et de désespoir au milieu de la dévastation de la défaite japonaise.

M. Toda m'a parlé ouvertement et naturellement. Il n’y avait aucune trace de l’arrogance condescendante et pompeuse si courante parmi les personnalités religieuses et politiques enveloppées dans le formalisme. Même si c'était notre première rencontre, je me sentais libre de poser toutes les questions que j'avais dans mon jeune cœur... Le fait que M. Toda ait été persécuté par les autorités militaristes japonaises et ait passé deux ans en prison en raison de ses convictions a été déterminant dans ma décision de l'accepter comme maître spirituel... Je voulais vivre ma vie comme une personne courageuse qui ne céderait à aucune forme d’oppression de la part des autorités. C'est pourquoi je cherchais une philosophie pratique qui m'aiderait à y parvenir.
Daisaku Ikeda, La sagesse pour créer le bonheur et la paix, 28.10.

Josei Toda, éducateur, ardent pacifiste et leader du groupe bouddhiste Soka Gakkai, a souligné le potentiel illimité inhérent à la vie de chaque personne. Il était engagé dans la reconstruction de la Soka Gakkai, qui avait été opprimée par les autorités militaristes pendant la guerre. Daisaku Ikeda a embrassé le bouddhisme de Nichiren et la relation avec son mentor Josei Toda a défini le reste de sa vie.

Réfléchir à ma vie me laisse un sentiment d’émerveillement et de respect face à tout ce que l’existence de Toda Sensei a signifié pour moi. Qu'un homme aussi médiocre que moi ait pu succéder à feu Toda Sensei à la tête de la Soka Gakkai et contribuer à l'entreprise sans précédent du kosen rufu, la diffusion de l'esprit et des enseignements du véritable bouddhisme, est uniquement dû au fait que je n'ai jamais, ne serait-ce qu’un instant, laissé l’image de ce grand maître quitter mon esprit et mon cœur. Le plus grand bonheur de ma vie est que j'ai pu le rencontrer et devenir son disciple, et que cette relation de maître et disciple s'est maintenue jusqu'à la toute fin de sa vie.
Daisaku Ikeda, Rencontre avec Josei Toda, dans Jinsei no onshi (Mon professeur dans la vie), publié en 1969.

Josei Toda a enseigné au jeune Ikeda tout ce qu'il pouvait, lui donnant une éducation complète sur laquelle il s'appuiera tout au long de sa vie. Daisaku Ikeda était à ses côtés alors qu'ils diffusaient les enseignements de Nichiren à travers le Japon. Il était présent lorsque, au plus fort de la guerre froide en 1957, M. Toda fit une déclaration appelant à l’abolition des armes nucléaires, peu avant sa mort en 1958. Cette déclaration a inspiré Daisaku Ikeda à plaider toute sa vie en faveur de l’abolition des armes nucléaires.

Si nous voulons laisser derrière nous l’ère de la terreur nucléaire, nous devons lutter contre le véritable “ennemi”. Cet ennemi, ce ne sont pas les armes nucléaires en soi, ni les États qui les possèdent ou les développent. Le véritable ennemi auquel nous devons faire face, ce sont les modes de pensée qui justifient les armes nucléaires ; la volonté d’anéantir les autres lorsqu’ils sont considérés comme une menace ou comme un obstacle à la réalisation de nos objectifs.
Daisaku Ikeda, Proposition pour la paix, “Construire une solidarité mondiale vers l’abolition nucléaire”, 8 septembre 2009.

En mai 1960, à l'âge de 32 ans, Daisaku Ikeda a été nommé troisième président de la Soka Gakkai. Il a consacré sa vie à la croissance et au développement de l'organisation bouddhiste, voyageant à travers le Japon pour encourager et responsabiliser les membres locaux, en particulier les jeunes.

Les jeunes sont les trésors d’une nation et la richesse du monde de demain. Rien n'est plus précieux. Saper l’avenir des jeunes et les priver de leur vitalité, c’est comme jeter ce trésor à la mer.
Daisaku Ikeda, La sagesse pour créer le bonheur et la paix, 20.1.

Il a également supervisé l’élargissement de la mission de la Soka Gakkai pour inclure la promotion de la paix, de la culture et de l’éducation. Sous sa direction, l'organisation a atteint plus de 8 millions de foyers au Japon, ce qui en fait un mouvement influent dans la société japonaise.

Le Sûtra du Lotus expose le grand trésor caché du cœur, aussi vaste que l’Univers lui-même, qui dissipe tout sentiment d’impuissance. Il enseigne une manière dynamique de vivre dans laquelle nous respirons l’immense vie de l’univers lui-même. Il enseigne la grande aventure de la réforme de soi.
Daisaku Ikeda, La Sagesse du Sutra du Lotus, Vol. 1, p. 14-15.

Peu après son investiture comme président en 1960, Daisaku Ikeda entreprit le premier de nombreux voyages pour soutenir les membres de la Soka Gakkai hors du Japon dans leur pratique bouddhiste. En 1975, la Soka Gakkai Internationale (SGI) a été fondée en tant qu'association mondiale reliant les organisations Soka des différents pays, et il en est devenu le président.

La vision du Dr Ikeda, selon laquelle la transformation personnelle est la force motrice du changement social, appelée “révolution humaine”, a façonné mon approche de la prise de décision et m'a bien servie, non seulement en tant que musicien, mais aussi en tant que conjoint, père, enseignant, ami, bouddhiste... et finalement en tant qu'être humain.
Herbie Hancock, Is We the New Me ?, discours de cérémonie de l'Université Soka d'Amérique, 24 mai 2013.

Daisaku Ikeda était un écrivain prolifique qui a publié plus de 250 ouvrages traduits, allant des commentaires sur le bouddhisme aux essais biographiques, en passant par la poésie et les contes pour enfants. Il est également l'auteur d'une longue histoire romancée de la Soka Gakkai, La Révolution humaine (12 volumes) et La Nouvelle Révolution humaine (30 volumes).

L’esprit d’encouragement fait partie intégrante de la poésie de Daisaku Ikeda et en est indissociable. (...) [Un proche collègue de longue date] a remarqué : « Cette pratique d’encouragement, pour lui, c’est tout. Lorsqu'il compose des poèmes, qu'ils soient longs ou courts, sa détermination est la suivante : “Je vais permettre à cette personne de devenir heureuse sans faute. Je dois faire quelque chose pour cette personne.” La cristallisation momentanée de cet esprit, de ce cœur, devient le poème – elle se transforme immédiatement en langage.
Sarah Ann Wider, « La poésie d'encouragement de Daisaku Ikeda », À la rencontre des poèmes de Daisaku Ikeda, p. 136.

À partir des années 1970, Daisaku Ikeda a rencontré des personnalités clés dans un large éventail de domaines pour promouvoir la paix par le dialogue et la compréhension mutuelle. Il a également consacré de grands efforts à la promotion des relations sino-japonaises, estimant qu'un engagement constructif avec la Chine était fondamental pour la stabilité de la région.

Il a engagé un dialogue avec les dirigeants chinois, soviétiques et américains, s’efforçant de désamorcer les tensions de la guerre froide. Il a ensuite déclaré qu'il se trouvait dans une position privilégiée car il n'était pas contraint comme le serait un homme politique : « Je peux parler aux gens comme un être humain à un autre. Et c’est dans ce rôle que j’espérais, d’une manière ou d’une autre, contribuer à rassembler la volonté de paix de toutes les parties. »

Daisaku Ikeda a également mené des dialogues avec des personnalités éminentes du monde entier dans les domaines de la culture, de l'éducation et de différentes traditions religieuses, notamment l'historien britannique Arnold Toynbee et l'ancien président soviétique Mikhaïl Gorbatchev, afin d'identifier les moyens de résoudre les problèmes complexes auxquels l'humanité est confrontée. Plus de 80 de ces dialogues ont été publiés sous forme de livre.

M. Ikeda a pris de nombreuses notes sur notre conversation. J’ai été tellement frappé par cela. Ce que j’ai le plus ressenti chez lui, c’est une immense sincérité, sans prétention, ouverte et honnête, sans aucun ego. Il semblait venir d'un lieu de non-violence, d'humilité et de souci de l'humanité si profond que même après avoir passé un temps relativement bref avec lui, je me sentais entendu, vu et connu, en entier.
Lawrence Edward Carter Sr., Le maître bouddhiste d’un prédicateur baptiste, p. 124.

Fervent partisan du rôle central des Nations Unies en tant que forum pour la paix, de 1983 à 2022, Daisaku Ikeda a rédigé des propositions pour la paix annuelles, offrant une perspective bouddhiste et des suggestions concrètes pour faire avancer les réflexions sur les principaux défis de notre temps, notamment le désarmement et la lutte contre la pauvreté, l'abolition des armes nucléaires, la protection de l'environnement et la promotion des Droits humains. Il a développé une philosophie de l’humanisme ancrée dans les principes du bouddhisme et prôné l’éducation à la citoyenneté mondiale. En 1983, la SGI a été accréditée en tant qu'organisation non gouvernementale dotée du statut consultatif auprès du Conseil économique et social des Nations Unies (ECOSOC).

Je ne connais personne qui ait souligné le rôle et la responsabilité de l’ONU avec autant de constance, d’acharnement et de substance pendant une aussi longue période que le président Ikeda. Au cours des 40 dernières années, ses propositions pour la paix annuelles contiennent des idées et des suggestions brillantes pour le bien de l'humanité. Je suis encouragé qu'il ait souligné l'autonomisation des personnes comme un élément majeur dans la construction d'une culture de la paix.
Anwarul K. Chowdhury, ancien secrétaire général adjoint et haut représentant de l'ONU, cité dans le communiqué de presse de la Soka Gakkai, 26 janvier 2022.

Daisaku Ikeda a fondé le système éducatif Soka, qui comprend des jardins d'enfants dans cinq pays, des études primaires jusqu'aux cycles supérieurs au Japon, des écoles au Brésil et en Malaisie et une université d'arts libéraux aux États-Unis. L'éducation Soka (littéralement “créatrice de valeurs”) est une approche centrée sur l'étudiant et basée sur la philosophie éducative du président fondateur de la Soka Gakkai, Tsunesaburo Makiguchi (1871-1944). Convaincu qu’un processus éducatif transformateur est essentiel pour remodeler notre époque, il considérait l’éducation comme l’entreprise la plus cruciale de sa vie.

Je pense pouvoir affirmer avec certitude que les points suivants sont des éléments essentiels de la citoyenneté mondiale : La sagesse de percevoir l'interdépendance de toute vie ; le courage de ne pas craindre ou nier la différence, mais de respecter et de s'efforcer de comprendre les personnes de cultures différentes et de grandir grâce à leur rencontre ; et la compassion nécessaire pour maintenir une empathie imaginative qui va au-delà de son environnement immédiat et s’étend à ceux qui souffrent dans des endroits éloignés.
Daisaku Ikeda, “Réflexions sur l'éducation pour la citoyenneté mondiale”, conférence donnée à l'Université de Columbia, États-Unis, 13 juin 1996.

Daisaku Ikeda a également fondé des organisations pour l'avancement de la paix et de la culture, notamment l'Association des concerts, le musée d'art Fuji, l'Institut de philosophie orientale, l'Institut Toda pour la paix, et le Centre Ikeda pour la paix, l'apprentissage et le dialogue. Il a également fondé le parti politique Komeito au Japon pour promouvoir le bien-être social et la paix.

Daisaku Ikeda était un poète passionné, un photographe naturaliste accompli et un père dévoué de deux fils. Le partenariat de 71 ans qu’il entretenait avec sa femme Kaneko a soutenu tous ses efforts, et il l’a décrite comme sa « meilleure et plus proche camarade à travers toutes les luttes de la vie. »

L’héritage de Daisaku Ikeda, en tant que mentor, auteur, philosophe et champion du dialogue, perdurera à travers les millions de personnes qu’il a inspirées en personne et à travers ses nombreux écrits.

Le président Ikeda est, à mon avis, le partenaire de dialogue le plus aguerri au monde aujourd’hui. Depuis son célèbre dialogue avec Arnold Toynbee, il s’est fait pendant un demi-siècle le champion de la culture de la paix mondiale par le dialogue, ce qui implique l’art de l’écoute profonde.
Grâce à des rencontres dialogiques avec de nombreux intellectuels publics du monde entier, il a contribué à élargir les horizons intellectuels et à approfondir l’autoréflexion critique de dizaines de penseurs de notre époque. Sa contribution à la vie de l’esprit à travers le monde est énorme.
Tu Weiming, Une civilisation du dialogue, une philosophie de l'espoir de paix, Ikeda Daisaku zenshu (Œuvres complètes de Daisaku Ikeda), vol. 117, p. 390-91.

Son approche résolument positive de la vie est résumée dans ce passage de la préface de La Révolution humaine qui illustre sa propre vie :

La grande révolution intérieure d'une seule personne contribuera à changer la destinée d'une nation et, plus encore, celle de l’humanité toute entière.


Traduit de Daisaku Ikeda : A Tribute, par le comité du site Web Daisaku Ikeda - Bureau international de l'information publique de la Soka Gakkai