• #Principe philosophique

Si l'on devait résumer l'éthique du bouddhisme de Nichiren en une seule expression, cela serait sans doute “le respect de la dignité de la vie”. Mais que recouvre au juste cette notion de dignité en bouddhisme, et sur quoi se fonde-t-elle ? Quelques éclaircissements...

Le bouddhisme offre une philosophie pratique qui porte attention à la vie dans sa globalité, tout comme aux aspects concrets de l'existence quotidienne, et accorde une dignité infinie à chaque personne. Il nous amène à nous éveiller pleinement à la valeur de la vie humaine.

Aux racines de l'humanisme bouddhique

Le Sûtra du Lotus décrit, dans le 11e chapitre, une magnifique Tour aux trésors aux dimensions inconcevables, sortant de terre, ornée de myriades de joyaux. Quel est le sens de cette image fantastique ? Un disciple de Nichiren, nommé Abutsu-bô, lui posa cette question. Nichiren lui répondit :

Abutsu-bô est la Tour aux trésors et la Tour aux trésors est Abutsu-bô. Il n’est pas nécessaire d’en savoir davantage.
Nichiren, La Tour aux trésors, Ecrits, 302.

Daisaku Ikeda commente ce passage ainsi : « La vie est une tour aux trésors aussi vaste que l’univers. La vie a plus d’importance que la Terre. L’individu a plus d’importance que le pays. Cette conviction constitue le fondement de notre humanisme. Nous nous employons à élever l’immense tour aux trésors du respect de la dignité de la vie, dans toute la société et dans le monde entier. »1

Dans un autre de ses écrits, Nichiren Daishonin déclare :

La vie est le plus précieux des trésors. Une seule journée de vie supplémentaire vaut plus que dix millions de ryô d’or.
Nichiren, Sur la prolongation de la durée de la vie, Ecrits, 965.

Et encore :

Quand on a eu la chance précieuse de naître en tant qu’être humain et celle, encore plus précieuse, de rencontrer la Loi du Bouddha, comment peut-on la gaspiller ?
Nichiren, Questions et réponses sur la foi dans le Sūtra du Lotus, Ecrits, 61.

Du point de vue du bouddhisme, au regard du nombre incalculable de formes de vie qui remplissent l’univers, vivre sous forme humaine est un privilège rare assorti de responsabilités particulières. Ce qui rend la vie humaine unique, c’est l’amplitude de notre libre-arbitre, le degré auquel nous sommes libres de choisir d’agir pour le bien ou le mal, d’aider ou de nuire. C'est sur cette faculté créatrice innée que se fonde le principe de dignité.

 

La capacité de créer des valeurs

Un livre récent sur les défis du vieillissement raconte l’histoire d’une jeune femme, mariée et mère de jeunes enfants, qui s’est retrouvée soudainement dans la situation de devoir prendre soin de sa belle-mère, alitée après un accident vasculaire cérébral. Au début, la jeune femme ne comprenait pas pourquoi cela lui était arrivé, pourquoi sa vie déjà exigeante devait être alourdie de cette façon. Grâce à sa pratique bouddhique, elle a pu comprendre qu’elle pouvait, selon la manière dont elle choisirait d’aborder cette situation, en faire une occasion de créer de la valeur. Elle a pu transformer son ressentiment initial envers sa belle-mère en un sentiment d’appréciation.

La conception bouddhique de la dignité humaine repose sur l’idée que nous sommes capables de choisir la voie du perfectionnement de soi et de la création de valeurs. En d’autres termes, nous pouvons toujours faire le choix de la créativité, de la croissance, du développement. Cette dynamique de vie – animée par le courage, la sagesse et la bienveillance– est décrite comme la bouddhéité ou l’illumination. Le bouddhisme souligne que tout être humain, en fait toute vie, possède la capacité innée à réaliser ce potentiel intérieur, correspondant à l'état (ou nature) de bouddha. D'où l'idée que chaque personne a une mission – un rôle unique qu'elle seule peut jouer, une perspective unique à offrir, une contribution unique à apporter. Comme le dit Daisaku Ikeda, s'adressant à de jeunes lycéens : « Chacun de vous a une mission unique, une mission que lui seul ou elle seule peut remplir. Si vous n'aviez pas de mission, vous ne seriez pas né. »2

La femme âgée de l’histoire a également cherché à utiliser ses capacités très limitées pour contribuer au bien-être de la maison. Comme elle avait encore l’usage de ses mains, elle s’est mise à tricoter, en partie comme une forme de thérapie, en partie pour fabriquer des objets utiles à la famille. Elle aimait aussi veiller sur la maison lorsque les autres étaient absents.

 

Réhumaniser la société

Ainsi, la dignité humaine dont il est question en bouddhisme n'a rien de théorique. Car il ne suffit pas d'affirmer la valeur de dignité, encore faut-il donner les moyens de la manifester concrètement et de la faire briller dans son comportement. C'est là précisément la raison d'être du bouddhisme de Nichiren : offrir la clé pour ouvrir la “resserre aux trésors” résidant au cœur de notre vie, afin d'en faire jaillir force vitale, courage, sagesse et bienveillance, de manière illimitée – notre propre “Tour aux trésors” intérieure.

En définitive, nous pouvons toujours créer des valeurs, quelles que soient les circonstances. Et ainsi accomplir notre but et notre mission uniques dans la vie et donner la plus grande expression à notre dignité humaine. Il n’y a peut-être pas de fondement plus solide pour redonner le droit à la dignité aux personnes ordinaires, dans un monde qui tend à se déshumaniser. Comme l'écrit Daisaku Ikeda :

« Ce qui compte, ce sont les gens, ce sont eux qui représentent les fondations. Nous devons bâtir une société où les êtres humains vivent en paix et en sécurité, et pour ce faire, nous devons établir solidement les principes de la dignité de la vie et la dignité humaine. Chaque vie est précieuse, au-delà de toute mesure. Nous devons empêcher la tendance consistant à rabaisser la valeur de la vie et des êtres humains de prendre racine. Il nous faut absolument, au contraire, nous efforcer de créer une société qui reconnaît la valeur de la vie et du bonheur de chaque individu. C’est ce que signifie établir l’enseignement correct pour la paix dans le pays, au XXI siècle. »3

 

Adapté d’un article paru dans le numéro de juillet 2000 du SGI Quarterly.

  • 1. Daisaku Ikeda, La Sagesse pour créer le bonheur et la paix, vol. 3, partie 2/2, Acep, p. 168-169.
  • 2. Daisaku Ikeda, Dialogues avec la jeunesse, Acep 2021, p. 22.
  • 3. Daisaku Ikeda, La jeunesse et les écrits de Nichiren, Acep 2016, p. 60-61.