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Face à l'ampleur du défi de la protection de l'environnement, des mesures concrètes s'imposent aux activités humaines. Et si l'enjeu se nichait avant tout dans une révolution durable de l'esprit humain ?

En 1972, le monde, fier de trente années glorieuses de développement et de progrès économiques, entend, incrédule, un cri d'alarme. C'est Aurelio Peccei1, pionnier de la cause environnementale, qui martèle « Halte à la croissance ?! »2 Soutenue par l'enthousiasme populaire, cette croissance déchaînée rend aveugle aux signes du climat qui se dérègle et de l'environnement qui se dégrade sous l'effet des activités humaines. Elle rend sourd aux voix des sages qui incitent alors à regarder plus loin que les gains à court terme, et surtout, à considérer leur prix à long terme.

Près de cinquante ans plus tard, la conscience qu'il est nécessaire de changer nos habitudes et nos manières de faire pour le bien de la planète a largement gagné les opinions publiques. Réglementations et contraintes se mêlent au fonctionnement des organisations et entreprises. Actions collectives et individuelles se multiplient, se pérennisent, jusque dans le quotidien des foyers. De plus en plus. Mais est-ce suffisant? Y arrivera-t-on un jour ? N'est-il pas trop tard ? À ces questions rationnelles, que peut apporter la religion ?

Vers une révolution durable de l'être humain

Dans la perspective de la COP21, les responsables de culte en France se sont unis, en juillet 2015, pour lancer un appel clair aux dirigeants et aux citoyens : faire de la crise climatique un défi spirituel et moral.3 Car concevoir un ensemble de solutions pour un compromis entre croissance économique et protection de l'environnement ne saurait être suffisant pour être durable.

La crise climatique ne nous montre pas seulement les limites naturelles de la croissance. Elle nous renvoie à notre condition commune d'être humain. Nous, habitants de cette planète. L'épreuve à laquelle elle nous soumet nous force à répondre plus en tant qu'êtres humains, qu'en tant que membres de nations. La nature s'exprime et nous enjoint à revoir notre attitude envers elle, à refaire surgir le désir originel de vivre en harmonie avec elle. Ainsi, le changement durable de nos modes de vie se fera en accord avec une révolution durable de notre état d'esprit. Selon le point de vue bouddhique, notre situation actuelle face au défi climatique trouve son origine dans les trois poisons.4 « Polluants » inhérents à la vie elle-même et à celle de chaque individu, avidité, colère et ignorance sont le terreau de la disharmonie intérieure et extérieure. Les effets non maîtrisés de ces tendances sont d'autant plus remarquables à grande échelle : guerres, destructions, famine, épidémies, pauvreté, gaspillage...

Selon Daisaku Ikeda, la religion doit permettre à l'individu de se maîtriser, en toute sagesse : « La religion est la force qui peut contrôler ces traits indésirables qui font partie de la nature humaine. Le fait indéniable que ces traits n'aient pas toujours été contrôlés semble prouver l'impuissance du sentiment religieux. Mais ceci n'est pas toujours vrai. (...) [Un enseignement religieux] doit être le moyen grâce auquel l'individu arrive à avoir en lui une force intérieure suffisante pour terrasser, avec l'aide de sa volonté, les trois poisons. »5 Autrement dit, la philosophie de vie d'une religion doit permettre à celui qui la pratique de s'élever au-delà de ses propres pulsions destructrices, tout en consacrant son énergie à vivre en harmonie avec son environnement humain et naturel.

Dans le bouddhisme pratiqué au sein du mouvement Soka, on appelle cela la « révolution humaine ». Cela signifie devenir capable de changer son état d'esprit par soi-même, et se transformer à travers l'expérience de la vie. Cela signifie devenir une personne qui ne gagne plus son bien-être au détriment de qui ou quoi que ce soit, mais dont le bonheur naît en contribuant à celui des autres. Vivre en tant que bouddhiste, c'est agir pour ce qui est nécessaire et juste pour soi et les autres. C'est enfin désirer vivre selon un objectif de vie qui appelle à développer son plus grand potentiel. Enclencher le processus de sa propre révolution humaine commence par la récitation de Nam-myoho-renge-kyo. Cette action a le pouvoir d'harmoniser sa vie individuelle avec celle du grand univers, de goûter la plus profonde forme de joie de vivre et la plus grande source d'énergie vitale.

Une conscience active

Vouloir d'abord sa propre sécurité est aussi un trait humain. Mais, si l'on souhaite y parvenir, n'est-ce pas le bon sens que de vouloir la sécurité de l'environnement même où nous vivons ? Cet environnement est notre quartier, notre ville, notre pays et peut être élargi au monde entier. En particulier, la lutte pour la préservation de l'environnement a besoin de tous, et de toutes les actions en ce sens, grandes ou petites. Pourtant, « aussi noble que soit un objectif, les gens n'ont pas le désir de passer à l'action tant qu'ils ne sont pas convaincus de sa valeur »6, constate Daisaku Ikeda.

Si aborder le problème de façon globale peut nourrir un sentiment d'impuissance qui mène au désintérêt et à la passivité, l'action locale peut être la source d'une réelle prise de conscience citoyenne. Il importe de susciter l'adhésion à une cause pour déclencher une action en sa faveur. Car c'est en agissant que la conviction et le sens de ce que l'on fait émergent véritablement. Il n'existe pas de moteur plus puissant pour maintenir ses efforts et faire perdurer son élan dans le temps. Daisaku Ikeda poursuit : « La joie et la fierté éprouvées en découvrant que leurs actions contribuent à changer la réalité libèrent [les gens] d'un sentiment de résignation impuissante. »7

Rien ne peut faire se rallier et s'impliquer un nombre croissant de personnes que de créer et partager un sentiment d'accomplissement. Les solutions ne viendront pas seulement des décideurs politiques ou des grandes entreprises, il tient à chacun de prendre part à cette cause. Au cœur de la philosophie bouddhique, respecter l'environnement revient à se respecter soi-même. Ainsi naissent joie et fierté de faire partie du monde en tant qu'êtres humains, citoyens responsables de cette planète dont nous prenons soin.

L'engagement de la SGI

Inspirée par la Proposition pour la paix, « Pour une nouvelle stratégie de protection de l'environnement », de Daisaku Ikeda, en 1992, la SGI Brésil a créé le Centre de recherche écologique de l'Amazonie (photo) à Manaus, dont les objectifs principaux sont la reforestation et l'éducation à l'environnement. En savoir plus...
Daisaku Ikeda a évoqué plusieurs fois le changement climatique dans ses propositions pour la paix. En 2006, il fait l'éloge du travail de Mme Wangari Maathai, prix Nobel de la paix, au travers de l'action de terrain du Mouvement de la ceinture verte, qu'elle a initié. En 2009, il soutient la création d'une agence internationale de l'énergie durable pour renforcer la recherche de solutions concrètes face au changement climatique.
Voir un aperçu des actions de la SGI en faveur de l'environnement


Paru dans Valeurs humaines n°61, novembre 2015, p. 24-25.
Valeurs humaines est le mensuel des associations Soka du bouddhisme de Nichiren. Abonnement / Achat au numéro

  • 1. Aurelio Peccei, industriel italien, fondateur du Club de Rome qui réunit des personnes de tous horizons préoccupés par l'avenir de la planète et de l'humanité dans son ensemble.
  • 2. Titre du rapport du Club de Rome, en 1972.
  • 3. Déclaration de la Conférence des responsables de culte en France du 15 juillet 2015.
  • 4. Avidite, colère, ignorance : considérés en bouddhisme comme les maux fondamentaux inhérents à la vie, responsables de la souffrance humaine, et étant la source de toutes les illusions et des désirs terrestres. Ainsi ils empêchent les êtres humains de tourner leur ceur et leur esprit vers le bien.
  • 5. Daisaku Ikeda et Aurelio Peccei, Cri d'alarme pour le XXIe siècle, PUF, 1986, pp. 131-132
  • 6. Daisaku Ikeda, « Proposition pour l'environnement », D&E-septembre 2012, 15.
  • 7. Ibid.