Pour la quinzaine d’étude du mois de septembre, nous vous proposons d’approfondir le sens de la relation entre l’éternité et l’instant présent.


INTRODUCTION

Le grand auteur crétois du XXe siècle, Nikos Kazantzakis, s’emparait dans son ultime ouvrage, rédigé deux ans avant sa mort, d’une thématique chère au bouddhisme : le rapport au temps. « Nous n’avons qu’un seul instant à notre disposition ; transformons cet instant en éternité : il n’est pas d’autre immortalité. […] Il faut, disions-nous, que nous prenions enfin une décision radicale : il faut, à chaque instant, que nous vivions l’éternité. »1
Nichiren Daishonin et Daisaku Ikeda n’ont de cesse de nous guider sur le chemin de la bouddhéité à travers un enseignement et des encouragements jalonnés de références au temps, pour faire de celui-ci un allié, un outil de création de valeurs. Comment le bouddhisme enseigne-t-il le lien qui existe entre l’éternité de la vie et l’instant présent, unité de temps de notre existence ?


Extraits de La Sagesse pour créer le bonheur et la paix, vol. 2

Observer les causes et les effets qui se manifestent dans notre vie actuelle
Nichiren écrit : « Il ne peut donc y avoir de discontinuité entre les trois phases du passé, du présent et de l’avenir. » (La réalité ultime de tous les phénomènes, Écrits, 390) Le passé, le présent et l’avenir ne sont pas séparés les uns des autres. Au contraire, ils forment une continuité, car ils sont reliés par la loi de cause et d’effet. Dans le traité Sur l’ouverture des yeux, Nichiren cite un passage de sûtra où il est dit : « Si vous voulez comprendre les causes créées par le passé, observez les résultats qui se manifestent dans le présent. Et, si vous voulez comprendre les résultats qui se manifesteront à l’avenir, observez les causes créées dans le présent. » (Écrits, 283)

Le bouddhisme enseigne que, à cet instant même, notre vie présente contient toutes les causes du passé ainsi que tous les résultats ou effets qui se manifesteront à l’avenir. Cette simultanéité de la cause et de l’effet signifie que l’éternité est inscrite dans l’instant présent. L’enseignement de la Loi merveilleuse, la réalité des « trois mille mondes en un instant de vie », expose clairement cette merveilleuse loi de la vie et de l’univers.

Le Bouddha est appelé « l’Ainsi-Venu » en référence à l’activité dynamique de la vie, qui se manifeste avec sagesse à chaque instant. C’est pourquoi ce qui compte est le moment présent et non un moment quelconque à l’avenir. Nous devrions déployer des efforts sincères dans la foi, en approfondissant notre engagement dans la pratique bouddhique, pour transformer notre karma, ici et maintenant. C’est de cette manière que nous accumulerons les causes pour devenir heureux, qui contiennent aussi les effets ou résultats de notre bonheur. Soyez absolument convaincus que vous avez semé de merveilleuses causes dans le passé en agissant ensemble pour la réalisation du kosen rufu mondial, et que vous bénéficierez de grands bienfaits à l’avenir du fait de vos efforts actuels.

(Extrait de (La Sagesse pour créer le bonheur et la paix, vol. 2, partie 2/2, Acep, p. 107-108.)


Chaque journée est le « temps sans commencement »
Le « temps sans commencement » est synonyme de la « vie sans commencement ni fin ». Cela ne fait pas référence à la dimension du temps, mais à la vérité la plus profonde de la vie – en fait, à la vie de l’univers lui-même, qui poursuit son activité sans commencement ni fin. Dans le Recueil des enseignements oraux, Nichiren déclare : « Kuon [temps sans commencement] désigne ce qui n’a pas été travaillé ni amélioré, mais qui existe tel qu’il a toujours été. » (OTT, 141)

« Ce qui n’a pas été travaillé » désigne quelque chose qui n’est pas arrivé à un moment donné mais qui est présent de manière inhérente. « Ce qui n’a pas été amélioré » désigne l’état des personnes ordinaires qui ne sont pas dotées des « trente-deux traits et quatre-vingts caractéristiques »2 propres à un bouddha.

Le temps sans commencement est intrinsèque, éternel et « existe tel qu’il a toujours été ». Nam-myoho-renge-kyo et le Gohonzon sont aussi le temps sans commencement. Par conséquent, chaque instant où nous prions face au Gohonzon correspond au « temps sans commencement ».

Pour nous, chaque journée de notre vie est le « temps sans commencement ». Nous pouvons faire jaillir de notre vie la force vitale illimitée du « temps sans commencement ». Chaque jour, nous prenons un nouveau départ en partant du point originel de notre vie – le temps sans commencement. Voilà pourquoi rien n’est plus important que l’instant présent. Nous ne devrions pas ressasser le passé. C’est inutile. Mettre toute notre énergie dans l’instant présent, en nourrissant un immense espoir pour l’avenir – telle est la marque d’une personne qui sait vivre avec sagesse.

Cet instant précis est le « temps sans commencement ». Tout commence à partir de maintenant. Le passé n’existe plus. L’avenir n’est pas encore là. Tout ce qui existe est cet instant présent. Et, en un éclair, le présent devient le passé. Il existe et il n’existe pas. Il est vide, ou ku, c’est-à-dire qu’il correspond à l’état de non-substantialité. Dans cet état, la vie se poursuit, d’instant en instant. Elle n’existe nulle part ailleurs qu’en cet instant. Nous goûtons le bonheur et le malheur uniquement en cet instant.

Considérer notre vie en cet instant présent comme le résultat de causes passées revient à voir les choses du point de vue du « véritable effet » – il est arrivé ceci, puis cela, et c’est ce qui a créé le résultat présent. Mais cette perspective seule ne suffit pas à engendrer l’espoir. Au contraire, nous devrions considérer l’instant présent comme la cause permettant de manifester un effet futur. Cette cause est la « véritable cause » qui imprègne les profondeurs de notre vie. Il ne s’agit pas d’une cause superficielle ou extérieure.

La « véritable cause » plonge profondément ses racines dans notre vie depuis le « temps sans commencement » et, par ailleurs, imprègne le monde du Dharma. C’est Nam-myoho-renge-kyo, la grande Loi qui met tout en mouvement dans l’univers, la force vitale éternelle et illimitée, qui amène toute chose à apparaître et à se développer. Par conséquent, chaque instant où nous croyons dans le Gohonzon, récitons la Loi merveilleuse et nous livrons à la pratique bouddhique est en soi le « temps sans commencement ». La force vitale pure, illimitée, du « temps sans commencement » – « ce qui n’a pas été travaillé, ni amélioré, mais qui existe tel qu’il a toujours été » – jaillit de notre être. Nous pouvons alors goûter une liberté totale dans le présent et l’avenir.

(Extrait de (La Sagesse pour créer le bonheur et la paix, vol. 2, partie 2/2, Acep, p. 112-114.)


Extraits de La Sagesse pour créer le bonheur et la paix, vol. 1

La mort donne davantage de sens à la vie
Du point de vue de l’éternité, même cent années équivalent à un seul instant. Il est tout à fait vrai, comme le dit Nichiren, que « maintenant est le dernier instant de sa vie » (L’héritage de la Loi ultime de la vie et de la mort, Écrits, 217).

Le président Toda a dit aussi : « En réalité, le but de notre pratique bouddhique est de préparer notre mort. » Rien n’est plus certain que la mort. Le plus important est donc que, dès aujourd’hui, nous nous lancions dans la tâche consistant à accumuler les « trésors du cœur »3, qui dureront pour l’éternité. Cependant, la plupart des gens négligent cette tâche, qui est la plus essentielle, ou la reportent à une date ultérieure.

Rien n’est plus important que ce que le bouddhisme appelle la « grande et unique question de la vie et de la mort ». Comparé à cette question essentielle, tout le reste est d’importance mineure – c’est là un fait qui devient parfaitement clair au moment de la mort. […]

Avoir conscience de la mort donne un sens plus profond à notre vie. S’éveiller à la réalité de la mort nous incite à rechercher l’éternel et nous motive pour tirer le maximum de chaque instant. Et si la mort n’existait pas ? Alors, la vie se poursuivrait indéfiniment et deviendrait probablement douloureuse et pénible. La mort nous fait chérir le présent.

(La Sagesse pour créer le bonheur et la paix, vol. 1, Acep, p. 162.)


Extraits de La Sagesse du Sûtra du Lotus, vol. 1

Quand nous pratiquons la Loi merveilleuse, chaque instant de notre vie nous relie directement à la Cérémonie dans les airs4, le monde de la vérité éternelle, et au rythme de l’éternité. La lumière, les musiques, les parfums et la brise de la bonne fortune, venant du grand univers de la Loi merveilleuse, se répandent sur nous et nous imprègnent de toutes parts.

Quand nous consacrons notre vie à la propagation de la Loi merveilleuse, le moment présent ne fait qu’un avec l’éternité. L’éternité et le moment présent se rencontrent, agissent l’un sur l’autre et se font écho en créant l’harmonieuse unité de notre vie. Notre vie n’est plus qu’une succession de joies continuelles – une manifestation de l’éternité dans l’instant présent. Par conséquent, pour une personne qui a la foi, un instant n’est pas un simple instant, un jour n’est pas seulement un jour. Chaque moment, chaque jour est empli et vibre de cette valeur d’éternité. Plus le temps passe, plus chaque instant et chaque jour brillent d’un éclat irremplaçable.

(La Sagesse du Sûtra du Lotus, vol. 1, Acep, 2013, p. 109.)


Extraits de La Nouvelle Révolution humaine, vol. 30

Shin’ichi voulait jeter de nombreux ponts d’échanges avec d’autres pays dans les domaines de l’éducation et de la culture, car il était convaincu que ce genre d’actions était crucial pour l’avenir du XXIe siècle et pour la paix mondiale. L’instant présent contient déjà l’avenir. C’est notre manière d’agir et de vivre à chaque instant, jour après jour, qui détermine l’avenir. Un sûtra dit : « [...] Si vous voulez comprendre les résultats qui se manifesteront à l’avenir, observez les causes créées dans le présent. » (Sur l’ouverture des yeux, Écrits, 283)

« C’est maintenant ou jamais ! Je ne dois pas laisser passer cette chance ! » se disait Shin’ichi.

(La Nouvelle Révolution humaine, vol. 30, partie 1, chapitre « Grande Montagne », p. 8-9)

Ce soir-là, Shin’ichi dîna avec les responsables du Kansai dans un restaurant des environs et eut avec eux une discussion informelle puis, sur le chemin du retour, il s’arrêta au centre culturel de Naka-Osaka.

Il offrit des paroles d’encouragement dans toutes les réunions auxquelles il assista et auprès de tous ceux qu’il rencontra.

L’avenir n’existe après tout que dans l’instant présent. Il ne dépend pas de ce que nous avons l’intention de faire demain, mais de ce que nous réalisons effectivement dans l’instant présent.

(La Nouvelle Révolution humaine, vol. 30, partie 1, chapitre « Nouvel Élan », p. 293.)

 

Pour aller plus loin...

• D&E-septembre 2017, 21-24.
La Sagesse pour créer le bonheur et la paix, vol. 2 (partie 2/2), chapitre 16 « Tirer profit de chaque journée », Acep, p. 103-134.
La Sagesse pour créer le bonheur et la paix, vol. 1, chapitre 6 « Faire face aux questions primordiales de la vie et de la mort », Acep, p. 157-206.
La Sagesse du Sûtra du Lotus, vol. 1, chapitre 5 « Trois assemblées en deux lieux : la relation entre l’éternité et le moment présent », Acep, 2013, p. 87-112.

 

Ce support est à retrouver dans le numéro de Valeurs humaines des mois de juillet-août 2022.
Valeurs humaines est le mensuel des associations Soka du bouddhisme de Nichiren. Abonnement / Achat au numéro

 
  • 1. Nikos Kazantzakis, Rapport au Greco, Babel, 2016, pp. 216 et 256.
  • 2. Trente-deux traits et quatre-vingts caractéristiques ou « trente-deux signes principaux et quatre-vingts signes secondaires » : traits physiques remarquables et caractéristiques extraordinaires dont sont dotés les bouddhas et bodhisattvas.
  • 3. Selon une première approche, l'expression « trésors du cœur » signifie une richesse intérieure, ou générosité. Selon une approche plus fondamentale, cela désigne la foi et l’éclat de la nature de bouddha qui est polie par la foi.
  • 4. Cérémonie dans les airs : une des trois assemblées décrites dans le Sûtra du Lotus, où tout le groupe est suspendu dans l’espace au-dessus du monde saha. Elle s’étend du chapitre « L’apparition de la Tour aux trésors » (11e) au chapitre « Transmission » (22e). Pour l’essentiel, elle révèle l’illumination originelle du Bouddha dans le très lointain passé et le transfert de l’essence du Sûtra aux bodhisattvas sortis de la terre.