Alors qu’il était reporter pour le Wall Street Journal, Daniel Pearl a été enlevé puis assassiné à Karachi, au Pakistan, début 2002. Mariane, son épouse, témoigne du combat intense qu’elle mène, depuis, pour que la paix l’emporte.
Comment avez-vous surmonté votre colère, votre tristesse ? Mariane. C’est une lutte qui n’est pas finie. En réalité, j’avais la conviction que, si je devenais amère, si je perdais l’espoir et me laissais dominer par le désir de vengeance, alors les assassins de Danny auraient gagné. Et je ne voulais pas le leur permettre, c’était ça ma revanche. Symboliquement, notre fils et moi étions les secondes victimes après Danny. Il fallait que je me dresse. À la minute où j’ai appris la mort de Danny, j’ai eu intérieurement cette compréhension profonde, et c’est le bienfait de ma pratique bouddhique. Ce fut aussi le moment le plus difficile de ma vie, parce que, à ce moment-là, se dire : « Si je vis, je veux être heureuse de nouveau », c’était presque anti-naturel, quelque chose de très audacieux. Mais je savais que c’était cela la réponse. Je me retrouvais seule avec moi-même comme Danny était seul avec lui-même. Quand il est mort, j’étais la seule à pouvoir me lever le lendemain et à dire : « Voilà ce que nous allons faire ! »
Selon vous, comment lutter contre le terrorisme ?
L’espoir , la compassion et le dialogue sont les trois seuls véritables outils contre le
terrorisme. Plus nombreux seront les gens qui ont de l’espoir, ceux qui éprouvent de
l’empathie pour leurs semblables, ceux qui ont une forte détermination, plus le
terrorisme aura du mal à se développer. Au-delà du rôle que peut jouer la sphère
politique, c’est à nous, personnes ordinaires, de nous opposer aux terroristes et de
les empêcher d’attendre leurs buts. J’ai toutes les raisons du monde d’avoir peur,
d’être déprimée, mais il faut que je dise aux gens quelque chose qu’ils ne veulent
pas entendre, à propos de la responsabilité individuelle. Il faut être prudent, mais, si
vous cessez d’aller vers les autres, vous faites précisément le jeu des terroristes, ils
veulent rendre le dialogue impossible.
Plus nombreux seront les gens qui ont de l’espoir, ceux qui éprouvent de l’empathie pour leurs semblables, ceux qui ont une forte détermination, plus le terrorisme aura du mal à se développer.
Votre vision concernant le pouvoir du dialogue a-t-elle changé ?
Maintenant, je dois avoir le courage de reconnaître moi-même que c’est l’arme la
plus puissante que nous ayons. Les gens veulent se battre, bombarder et se
venger... Se comporter en être humain, c’est manifester une spiritualité plus élevée.
Une telle lutte pour la paix n’a rien de doux ni de naïf. C’est un combat très exigeant
parce que vous en venez toujours à un point où vous êtes confrontés à la solitude. Il
s’agit de deux avenirs possibles pour l’humanité, complètement opposés. Une fois
que vous aurez amorcé le dialogue, la force vous viendra au fur et à mesure. Cela
doit d’abord venir de vous. La seule chose que vous puissiez faire, pour donner de
l’espoir, c’est dire : « Regardez, je l’ai fait, et je l’ai fait dans les circonstances les
plus terribles... »